Une maison close à titre posthume
L’homme, en quête de beauté, d’universalisme et de reconnaissance, vit dans la crainte de l’oubli post-mortem. Parce que Louis Mantin estime sans doute qu’un sous-préfet, aussi consciencieux soit-il, n’est pas forcément voué à la postérité, il décide, en 1905, de faire don à la ville de Moulins de son manoir au sein duquel repose toute sa passion pour l’art : meubles, bibelots, tableaux, livres et cabinet de curiosités accumulés toute une vie durant. Cet homme passionné mais solitaire, goûtant plus au beau qu’aux réceptions mondaines, impose cependant une condition pour le moins originale : que sa maison soit ouverte au public cent ans après sa disparition « de façon à montrer aux visiteurs un spécimen d’habitation d’un bourgeois au XIXe siècle », entretenant le mystère et la sacralisation de ce lieu demeuré dans son jus.
Car l’énigmatique sous-préfet semble avoir semé à l’intérieur de sa demeure des indices destinés à nous éclairer sur sa vie obscure, des pensées ésotériques et maçonniques jalonnant l’intérieur de chaque pièce. Car, ici, c’est l’homme qui supplante le décor, ce dernier n’étant que le fond d’écran d’une existence qui, à l’orée de l’exil suprême, s’inquiète de la lâcheté humaine, de la fuite du temps et de la mort.
Un long sommeil a engourdi le manoir, aiguisant la curiosité. La poussière et le temps ont saisi le mobilier, les boiseries et les tapisseries qu’une restauration, la date échue, a permis de reproduire à l’identique, exauçant le vœu d’un des plus curieux testaments qui fut.
Depuis 2010, portes et fenêtres se sont enfin ouvertes au XXIe siècle. Reste à percer les secrets enfin libérés de leur gangue. Quant à Louis Mantin, qu’en sera-t-il de son nom et de sa mémoire dans un siècle ? Dans ce brouillard du temps qui finit par tous nous ensevelir, ne deviendra-t-il pas à son tour prisonnier du grand silence ?
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