Le rempart de la République explose Paris. 31 août 1794
En 1794, la Révolution française finit de dévorer ses enfants en attendant de se donner à un seul homme. Aux frontières, le canon continue de tonner pour contenir les armées étrangères prêtes à déferler sur Paris. La guerre exige de plus en plus de poudre qu’on s’ingénie à produire en grande quantité, principalement dans le quartier parisien de Grenelle. Cette poudrière est dirigée par le savant chimiste Jean-Antoine Chaptal. Grâce à de nouvelles méthodes de fabrication, la production est passée de 3,7 tonnes de salpêtre à 16,3 tonnes. Une production qui ne peut se dérouler sans risque majeur pour les deux milles ouvriers y travaillant dans des conditions difficiles, sans mesure de protection, la sécurité passant au second rang au bénéfice de la production.
Il est 7 h 15 du matin, ce 31 août 1794 quand, provenant du grenier de la Liberté, une formidable explosion ébranle tout le quartier, le bruit de la déflagration étant entendu jusqu’à Fontainebleau. Des arbres sont coupés ; des maisons éventrées ; des ponts lézardées. Les secours, aussitôt, convergent vers Grenelle et ses alentours. Un millier de victimes est tiré des décombres tandis que les blessés affluent dans les hôpitaux de la Charité et du Gros-Caillou. Un bilan qui aurait pu être beaucoup plus lourd si l’on songe que les jours précédents, près de cinquante tonnes de poudre avaient été expédiées sur le front.
Les Annales patriotiques du 1er septembre 1794 relate le déroulement de ce drame : « A sept heures et demie du matin, une explosion terrible se fait entendre dans Paris et aux environs ; ce bruit effrayant se prolonge pendant près d’une minute. Les bâtiments ébranlés, les cheminées s’écroulant, les vitrages cassés et tombant avec fracas, une fumée noire et épaisse s’élevant vers le ciel et formant un épais nuage, les citoyens et surtout les citoyennes sortant de leurs maisons dans le désordre de la frayeur, tel est le spectacle qu’offrait pendant quelque temps la capitale. On court à l’endroit d’où part le bruit, et, guidés par la fumée, les citoyens arrivent à la plaine de Grenelle, et sont les douloureux témoins d’un ravage causé par l’incendie d’un magasin à poudre qui venait de sauter.
« Cet accident coûta la vie à cinquante ou soixante personnes ; il y en eut à peu près le même nombre de blessés. La Convention s’assembla aussitôt. Elle chargea le Comité de salut public de rédiger sur-le-champ une proclamation pour rassurer le peuple, et l’inviter au maintien de l’ordre. Elle décréta que toutes les pertes seraient supportées par la République, et que les parents de ceux qui auraient pu périr, ainsi que les blessés, seraient traités comme les défenseurs de la patrie. »
Comme d’habitude, le nombre de victimes est minoré dans les premiers jours du drame avant de connaître une forte augmentation. Quant à la cause de l’explosion, elle ne sera jamais clairement établie. Acte de malveillance ? Mauvaises conditions de sécurité ? « On n’a jamais su d’une manière certaine, comment la poudre de Grenelle avait pris feu. Il y eut à peine à cet égard, un commencement d’enquête, et l’on ne songea ni à faire un rapport, ni à instruire un procès », rapportent les mêmes Annales, Chaptal échappant à toute mise en cause. À peine le Comité de Salut public prit-il quelques mesures comme l’implantation des moulins à poudre en plusieurs lieux éloignés des habitations ; le remplacement des hommes par de nouvelles techniques de production et l’amélioration de la qualité de la poudre. Par la suite, au XIXe siècle, plusieurs mesures de protection seront prises en France pour mieux contrôler ces entrepôts et éviter une nouvelle catastrophe. Ce qui n’évitera pas d’autres drames à venir.
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