Bouvines. La victoire qui renforça le royaume de France
Bouvines : sa statue de Jeanne d’Arc comme un symbole ; son monastère ; sa fontaine ; son église néo-gothique et surtout ses vingt et un vitraux qui retracent, étape par étape, la fameuse bataille de ce coin de Flandre, aujourd’hui situé à quelques kilomètres au sud-est de la métropole lilloise.
Avec Marignan, Valmy, Waterloo ou Verdun, Bouvines se place dans le top 5 des plus illustres batailles de l’histoire de France. Jusqu’à dire, et les Républicains de la IIIe République ne s’en privèrent pas, qu’elle fut « le premier sentiment de la nation France », selon Max Gallo.
Un double enjeu
Mais Bouvines, c’est aussi Philippe-Auguste. Roi de France depuis 1180, il ne règne que sur une partie du territoire français actuel. La faute, en partie, à ces diables d’Anglais installés en Aquitaine, Normandie, Anjou, Maine et Touraine depuis le mariage d’Henri II avec Aliénor d’Aquitaine. Bouter les Plantagenêt hors du sol français et rassembler les terres françaises en exigeant de ses vassaux, allégeance et soumission, tels sont les principaux enjeux de la politique menée par Philippe-Auguste durant son long règne de 43 ans.
Que se passe-t-il donc, ce dimanche 27 juillet 1214, voici plus de 800 ans et 700 ans, presque jour pour jour, avec le début de la Grande Guerre ?
D’un côté, l’armée (7000 hommes) de Philippe-Auguste, composée de nobles chevaliers et de miliciens communaux envoyées par les communautés du Nord ralliées au roi ; de l’autre, les soldats de l’empereur Othon IV de Brunswick, avec lequel se sont acoquinés deux grands vassaux félons, Renaud de Boulogne et Ferrand de Flandre, un ex-ami d’enfance du roi de surcroît. Avec, en arrière-plan, un Jean Sans Terre qui espère bien tirer profit de cette bataille.
La victoire, croit-on, sera celle d’un protégé de Dieu, associant le temporel au spirituel. Mais oh ! Sacrilège, ce scélérat d’Othon décide de lancer les hostilités un dimanche. Jour sacré du Seigneur ! Car depuis le concile d’Elne, en 1027, il est interdit d’assaillir son ennemi depuis la 9e heure du samedi jusqu’à la première heure du lundi. Avant de s’étriper à qui mieux-mieux !
Tout a d’abord été question de grandes manœuvres et de déplacements vers cette plaine de la Flandre où converge chaque armée. Alors que l’armée française se replie sur Lille, celle des coalisées, probablement trois fois plus importantes, arrive en vue de Bouvines. Le choc se déroulera ici, près des marais formés par la Marque.
A Guillaume Le Breton, le biographe de Philippe-Auguste de raconter les premiers moments de la bataille : « L’avis unanime est qu’il faut se rendre jusqu’à Bouvines, pour voir si l’ennemi ne respectera pas le jour sacré, mais différer l’engagement jusqu’au lendemain. D’ailleurs cette position est plus favorable pour défendre les bagages et tout le matériel du camp, attendu qu’elle est garantie de tous côtés, et que les marais se prolongeant sans interruption sur la droite et sur la gauche, interceptent la route et rendent le passage impossible, si ce n’est sur le pont assez étroit de Bouvines, par où les hommes et les quadrupèdes peuvent se diriger au midi. Le Roi aussitôt fait élargir le pont, de sorte que douze hommes puissent y passer de front, ainsi que les chariots à quatre chevaux et leurs conducteurs.
Tout près d’une église sous l’invocation de Pierre, le Roi, brûlé par le soleil, se reposait à l’ombre d’un frêne, non loin du pont déjà franchi par la majeure partie de l’armée, espérant que le combat serait remis au lendemain. Le soleil parvenu à sa plus grande hauteur marquait le milieu du jour. Le Roi se disposait à goûter quelques instants de repos, lorsqu’un messager accourt avec rapidité et s’écrie : Déjà l’ennemi s’est jeté sur le dernier corps de l’armée ; ni les troupes de Champagne, ni les guerriers envoyés plus tard, ne suffisent plus pour les repousser. Tandis qu’ils résistent, l’ennemi pousse en avant et a déjà fait deux mille pas sans s’arrêter.
Ému à ces paroles, le Roi se lève, entre dans l’église, et met ses armes sous la protection du Seigneur. Après une courte prière il sort : « Allons, s’écrie-t-il, allons en toute hâte porter secours à nos soldats. Dieu ne s’irritera pas si nous prenons les armes en ce jour sacré, contre ceux qui viennent nous attaquer. Il n’a point imputé à crime aux Macchabées, de s’être défendus le jour du sabbat lorsqu’ils remportèrent une sainte victoire. Bien plus, en ce jour où l’Église toute entière adresse pour nous ses supplications au Seigneur, il doit être bien plus avantageux de combattre, car Dieu protège notre cause. » »
Après trois heures de combat, dans le cliquetis des armes, les cris de guerre, les hurlements des blessés et le silence des morts qui jonchent le sol rougi de leur sang, Bouvines entrait dans l’Histoire.
Des conséquences politiques majeures
Philippe-Auguste peut se réjouir de la victoire et de la débandade de ses adversaires. L’empereur Othon IV paiera sa défaite en abandonnant sa couronne ; Jean Sans Terre, battu à la Roche-aux-Moines le 2 juillet 1214, jettera l’éponge avant de subir la domination de ses barons. Quant aux deux grands vassaux, ils finiront de ronger leur trahison en prison.
Pour le roi capétien, incarné désormais comme roi de droit divin, Bouvines, c’est l’apothéose ! Son pouvoir en sort renforcé, tant à l’intérieur du royaume qu’en Europe où sa victoire fait sensation. Avant d’être oubliée et de ressurgir dans les livres d’histoire à la fin du XIXe siècle, Nation oblige !


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