Azincourt : le bourbier de la chevalerie française

« Azincourt, Azincourt

Partout des papillons, insectes pris de court dans l’affreux tourbillon

Des flèches taillées pour traverser les poumons de chevaux de concours

Trop lourds pour la saison… »

Ce 25 octobre 1415, la chevalerie française est décimée par les archers anglais, mettant à terre un royaume gangrené par les rivalités et un roi incapable de gouverner.

Le nom de ce lieu, situé dans le Pas-de-Calais, a retenti aux oreilles de Francis Cabrel, qui s’est fendu d’une chanson à l’aube du six centième anniversaire de l’une des plus cruelles défaites que l’ost française, comme il se dit au Moyen Age, ait connue.

Nous sommes le 25 octobre 1415. Une triste journée d’automne, fraiche et humide. La pluie, grasse et pénétrante, tombe depuis la veille au soir. Une pluie qui traverse les cuirasses des chevaliers français, cois sur leurs montures toute la nuit. Une pluie qui imprègne leurs vêtements et rend le sol fangeux dans lequel viendront bientôt s’enliser les pattes des chevaux.

Face à ces silhouettes de pluie, l’armée anglaise a jugé plus prudent de se mettre à l’abri sous leurs tentes, attendant l’assaut matinal.

 L’ultimatum d’Henri V à Charles VI

Mais que diable viennent chercher les Anglais sur le sol français ? Une vieille histoire, longue de 116 années, alternance de guerres et de paix, connue sous le nom de guerre de Cent Ans. La faute à ce belliqueux d’Henri V de Lancastre, roi d’Angleterre à 28 ans lequel, à peine couronné, lance à ce malheureux fou de Charles VI, un véritable ultimatum : savoir que la France cède à l’Angleterre la souveraineté de la quasi-totalité de la côte atlantique. Et, pour faire bonne mesure, offrir au roi bellâtre en guise de mariage et de coquette dot, ni plus ni moins que la fille du roi, Catherine. Inacceptable pour les Français !

Du coup, Henri V prend la mouche et débarque, début août, avec 15000 hommes dont une majorité d’archers issus du peuple, sur le sol normand.

Harfleur, port stratégique sur la Seine, tombe bientôt entre leurs mains. Mais l’automne pointe déjà son nez. Henri V préfère alors s’enfermer dans Calais et attendre le printemps pour fondre sur Paris.

Largement supérieure en nombre (près de 50000 hommes), l’ost français décide de lui couper la route du Nord. Ce sera à Azincourt !

Toute la fine fleur de la chevalerie française est prête au combat. Sûre de son nombre et de sa force. Ne manque que les Bourguignons qui ont refusé de s’allier aux Armagnacs.

 Des milliers de cadavres jonchent le sol

Ce 25 octobre 1415, l’affrontement est inévitable. Mais la stratégie française est dépassée. Dans un espace trop étroit, situé entre deux forêts, les chevaliers français, détrempés, s’élancent à l’assaut des lignes anglaises. Une pluie, de dards celle-là, propulsés par les longbows anglais, s’abat sur les premiers rangs des chevaliers qui s’écroulent lourdement au sol, formant un rempart de leurs corps, gênant les prochains assauts et toute avancée des archers venus les secourir.

Ce qui ne doit être qu’une formalité se transforme en une véritable déroute. Des centaines puis des milliers de corps (10 000 côté français contre 1700 côté anglais) jonchent le sol boueux. D’autant plus qu’Henri V n’est pas homme à s’apitoyer sur le sort des prisonniers (1700), égorgés sur son ordre, les uns après les autres.

La chevalerie française (1500 environ) est décimée ce 25 octobre. Jusqu’au connétable Charles d’Albret qui est tué lors des combats. Sur les conseils du duc de Berry, le roi Charles VI et le dauphin sont restés à Rouen, évitant de tomber entre les mains ennemies.

La fine fleur de l’élite française reste ainsi sur le carreau, laissant, selon l’expression, « un royaume à genoux », tant politiquement qu’administrativement. Princes, ducs et comtes disparaissent dans cette tourmente, laissant un pays divisé entre Armagnacs et Bourguignons. Une division et une domination anglaise qui se concluent par le traité de Troyes, en 1420. Un traité qui voit Bourguignons et Anglais faire alliance contre le roi. Mieux encore, Henri V parvient à ses fins en épousant Catherine la belle, le 2 juin 1420, faisant de lui le seul héritier de la couronne capétienne.

Seul point positif, la défaite d’Azincourt et le traité de Troyes auront au moins pour effet de créer un sentiment de résistance populaire face à l’envahisseur, prélude d’une entité nationale qui se forgera au cours des siècles suivants.

« Chevaliers de la cour finis à bout portant

Et leurs chevaux trop lourds dans la boue jusqu’au flanc

Sous le vol des vautours et le dard des frelons

Tournoyant tout autour, partout des papillons… »

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