Les Templiers, « Miliciens de Dieu »

Protecteurs des chrétiens en Terre sainte, devenus banquiers et grands propriétaires terriens avant de subir les foudres royales, les Templiers suscitent toujours autant de passion, entre faits avérés, légendes et mystères

 L’ordre du Temple : un Etat dans l’Etat

L’ordre du Temple, né en 1119 et confirmé dix ans plus tard, atteint son apogée au début du XIVe siècle, propriétaire de vastes domaines et d’un réseau de succursales bancaires en Europe. Avant d’être pris en tenaille dans le conflit qui oppose le roi de France Philippe IV au pape Clément V.

 Des chevaliers en ordre de marche

Ils sont 9 ! 9 chevaliers partis vers Jérusalem, la foi chrétienne chevillée au corps de leur armure. Hugues de Payns est à leur tête en cet an de grâce 1113. A ses côtés, Geoffroy de Saint-Omer, Geoffroy Brisol, Hugues Rigaux, Archambaud de Saint-Aignan, Payen de Montdidier, le frère Rossal, Gondemare et André de Montbard.

Ces neuf-là forment la pépinière de l’ordre du Temple. Laïc et guerrier, ils se donnent pour mission de protéger les chrétiens sur la route de Jérusalem, à veiller sur les points d’eau, dans l’observance de la pauvreté, de la chasteté et de l’obéissance à Dieu.

« Un nouveau genre de milice est né, écrit Bernard de Clairvaux vers 1130, sur la terre, dans le pays même que le Soleil levant est venu visiter du haut des cieux, en sorte que là même où il a dispersé, de son bras puissant, les princes des ténèbres, l’épée de cette brave milice en exterminera bientôt les satellites, je veux dire les enfants de l’infidélité. Elle rachètera de nouveau le peuple de Dieu et fera repousser à nos yeux la corne du salut, dans la maison de David son fils. Oui, c’est une milice d’un nouveau genre, inconnue aux siècles passés, destinée à combattre sans relâche un double combat contre la chair et le sang, et contre les esprits de malice répandus dans les airs. »

Neuf ans plus tard, la bulle d’Innocent II leur accorde de larges privilèges : « Nous vous exhortons à combattre avec ardeur les ennemis de la croix, et en signe de récompense, Nous vous permettons de garder pour vous tout le butin que vous aurez pris aux Sarrasins sans que personne ait le droit de vous en réclamer une part. Et nous déclarons que votre maison, avec toutes ses possessions acquises par la libéralité des princes, demeure sous la protection et la tutelle du Saint Siège. »

En 1146, Eugène III leur permet de revêtir leur fameuse tunique blanche ornée de la croix pattée rouge à quatre branches égales. Désormais, l’Ordre du Temple ne cessera de prospérer.

Une puissance jalousée

Quand, en 1291, les Templiers quittent la Terre sainte, ils ont accumulé d’immenses richesses. Aux butins pris sur les musulmans s’ajoutent les donations de terre de la part de seigneurs proches de l’Ordre. Les prêts accordés par le réseau de succursales bancaires installées à travers l’Europe sont directement réinjectés dans le foncier non bâti mais aussi en ville. Ainsi, la moitié de l’habitat parisien leur appartient. Des commanderies jalonnent le territoire, centre de commandement et de gestion. Bref, un véritable trésor accumulé au fil des deux siècles de leur existence, bien loin du vœu de pauvreté établi par la règle de saint Bernard. Sauf que, en ce cas précis, c’est l’Ordre en tant que tel qui détient ces richesses et non chaque chevalier de l’Ordre. Ce qui n’empêche pas d’attirer sur lui jalousie et convoitise pour atteindre son paroxysme le 13 octobre 1307 lorsque 138 chevaliers sont raflés par les officiers royaux. L’Ordre est démantelé par surprise, la plupart de ses chefs dont le Grand Maître Jacques de Molay n’ayant pu s’échapper. Le procès qui s’ensuit ne sera qu’une parodie de justice. Les charges montées de toutes pièces accusent les Templiers de pratiquer le culte de Baphomet, de cracher sur la Croix et de pratiquer la sodomie. La puissante Inquisition a beau jeu de tirer des aveux sous la torture. Avant d’envoyer tout ce beau monde aux bûchers expiatoires. En mai 1310, l’archevêque de Sens en fait brûler 54. Jacques de Molay et Geoffroy de Charnay subissent le même sort le 18 mars 1314. C’en est fini des Templiers ! Mystères et légendes peuvent prendre le relais !

La dissolution du Temple

Documents historiques précieux, les bulles pontificales rythment l’évolution du procès de l’Ordre du Temple, montrant au grand jour la crainte du pape Clément V vis-à-vis du pouvoir royal. Le 5 juillet 1308, la bulle Subit assidue met en lumière deux procédures distinctes : l’une concerne les personnes physiques, à savoir les membres de l’Ordre, l’autre vise l’Ordre en tant que personne morale, le but étant de préserver l’Ordre tout en laissant l’Inquisition continuer ses interrogatoires.

Un mois plus tard, le 12 août 1308, la bulle Faciens Misericordiam signe un compromis entre le pape et le roi de France, offrant le droit pour le premier de pouvoir juger les dignitaires de l’Ordre. Cette bulle ne sera pas suivie d’effets, les dignitaires dont Jacques de Molay restant entre les mains de la justice inquisitoriale.

Le 22 mars 1312, lors du concile œcuménique de Vienne, un consistoire secret auquel assistent quelques cardinaux conclut à la dissolution de l’Ordre sans le condamner par la bulle Vox in excelso, seulement rendue publique le 3 avril 1312. Une bulle qui fait suite aux Etats Généraux tenus à Lyon par Philippe IV le Bel.

« Considérant donc l’infamie, les soupçons et les insinuations bruyantes et autres choses précitées qui se sont élevées contre l’ordre, et aussi la réception secrète et clandestine des frères de cet ordre ; que nombre de ces frères se sont éloignés des coutumes générales, de la vie et des habitudes des autres fidèles du Christ, et ceci surtout quand ils recevaient d’autres [hommes] parmi les frères de leur ordre; [que] pendant cette réception, ils faisaient faire profession et jurer à ceux qu’ils recevaient de ne révéler à personne le mode de leur réception et de ne pas quitter cet ordre, en raison de quoi des présomptions se sont fait jour contre eux… »

Le 2 mai 1312, la bulle Ad providam vient compléter la dissolution de l’Ordre, accordant aux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem leurs biens et terres.

Mystères et légendes autour des Templiers

Dans les grands mythes et énigmes qui parcourent l’histoire de France, l’Ordre du Temple tient une place prépondérante. Plus que les rares archives et documents qui nous sont parvenus, sans doute tient-elle à l’interprétation ésotérique qui débute au XVIIIe siècle et ne cesse, depuis de prospérer à travers de nombreux ouvrages. Rituel, règle secrète, vendredi 13 et relation avec la franc-maçonnerie alimentent palabres et passion.

 Le rituel

Qui peut accéder à l’Ordre du Temple ? Tout laïc de la noblesse et de la paysannerie libre. Avant de prononcer ses vœux au cours d’un rituel très réglementé, le futur chevalier doit passer une période probatoire de réflexion, d’information et d’évaluation afin de déterminer personnellement et auprès des chevaliers sa volonté inébranlable de respecter la règle. Le moment venu, en présence des chevaliers, le futur entrant doit par trois fois solliciter son entrée puis prononcer ses trois vœux et prêter serment à genoux. Un rituel qui se rapproche de l’adoubement quand un jeune homme est armé chevalier dans la société médiévale. Désormais vêtu de son habit blanc frappé d’une croix rouge, le chevalier doit suivre la règle qui s’impose à tous, aux risques d’être exclu de l’Ordre.

La règle secrète jamais dévoilée

Une règle stricte s’impose aux Templiers qui entrent dans l’Ordre. Cette règle est rédigée par Bernard de Clairvaux puis approuvée au concile de Troyes, le 13 janvier 1129. S’inspirant de la règle de saint Benoît, elle exige principalement vœux d’obéissance, de chasteté et de pauvreté tout en organisant la vie quotidienne des chevaliers. Justifiant au demeurant leur fonction militaire : « Le chevalier du Christ donne la mort en toute sécurité et la reçoit avec plus d’assurance encore. S’il meurt c’est pour son bien, s’il tue, c’est pour le Christ. »

Il existerait d’autre part une règle secrète, connue des seuls hauts dignitaires de l’Ordre. « Un Ordre noir » inconnu des initiés et chargé de perpétuer l’Ordre en cas de coup dur. Gervais de Beauvais, précepteur de Laon, révèle ainsi « qu’il y avait dans l’Ordre un règlement si extraordinaire et sur lequel un tel secret devait être gardé que chacun aurait préféré se faire couper la tête que de le révéler ».

A la fin du XVIIIe siècle, l’évêque de Copenhague, Frédéric Münter prétend avoir découvert cette règle secrète dans les archives du Vatican. Un parchemin composé de la règle officielle et d’un texte : « Ici commence le livre du Baptême du Feu et des Statuts Secrets rédigés pour les Frères par le Maître Roncelinus. » Comble de malchance, le document lui est dérobé. Un siècle plus tard, en 1877, l’érudit allemand Mertzdorff prétend l’avoir retrouvé à Hambourg dans les archives d’une loge maçonnique. Selon l’article 11, le rituel de réception se déroulait ainsi : « prêter serment de garder le secret de l’ordre, la moindre indiscrétion étant punie de mort. Le précepteur baisera successivement le néophyte sur la bouche, pour lui transmettre le souffle, au plexus sacré, lequel commande la force créatrice, à l’ombilic, enfin au membre viril, image du principe créateur masculin. » Ce document est aujourd’hui considéré comme un faux. Aussi, faite pour « n’être connue que de Dieu, du diable et des Maitres », cette règle conserve tout naturellement son secret.

Maudit vendredi 13 !

Il n’a échappé à personne que les attentats de Paris de novembre 2015 sont survenus un vendredi 13, confortant la vieille superstition qui veut que ce soit un jour maudit dont l’origine reste sujette à polémiques.

Pour certains, elle remonterait à l’épisode de la Cène qui voit les 12 Apôtres et le Christ prendre ensemble un ultime repas, la veille d’un vendredi. D’autres prennent plutôt en considération le vendredi de la crucifixion du Christ.

Une légende nordique raconte que la déesse de l’amour et de la fertilité, Frigga, aurait été transformée en sorcière lors des invasions chrétiennes. Depuis, la malheureuse réunirait 12 sorcières et le Diable sur la montagne où elle vivrait recluse pour l’éternité.

La date de l’arrestation des Templiers, le vendredi 13 octobre 1307, vient s’ajouter à cette liste d’autant plus que, lors de sa mort sur le bûcher, Jacques de Molay se serait écrié : « Maudits ! Tous maudits jusqu’à la 13e génération de vos races ! » Encore le chiffre 13 !

Jour de malchance pour les uns, de chance pour les autres, le vendredi 13 continue d’alimenter tous les fantasmes, entre terreur et espérance !

3 et 9 ! Deux chiffres symboliques

Il semblerait que les Templiers aient entretenu une symbolique forte avec les chiffres 3 et 9, dont le second est le carré du premier. Ainsi, de nombreux temps de la vie quotidienne des Templiers sont rythmés par le chiffre 3. Prendre trois repas par jour, manger trois fois de la viande par semaine, accomplir trois jeûnes par an : le nombre fétiche n’a pas échappé aux férus d’ésotérisme. D’autant plus que le chiffre 3 s’affiche quand il s’agit de faire l’aumône chaque semaine, de posséder trois chevaux et de laisser trois assauts à son adversaire avant de fondre sur lui.

D’où le lien qui est fait avec le triangle équilatéral que l’on retrouve partout dans l’architecture templière

Temple et franc-maçonnerie

Les Templiers de France pourchassés lors de la grande rafle du 13 octobre 1307 se sont-ils réfugiés en Ecosse et, par là-même, fondé la franc-maçonnerie comme il est souvent de tradition de l’écrire et de le lire ? Pour les historiens, la filiation n’est qu’une fable apparue au XVIIIe siècle et développée ensuite par les tenants de l’ésotérisme. D’autant plus qu’aucun document ne vient attester d’un lien quelconque entre chevaliers et francs-maçons. Une théorie donc impossible à soutenir pour un historien, sinon d’ouvrir la porte à tous les fantasmes. Un conte qui naît de la bouche d’Andrew Michael de Ramsay en 1736 dans le but de donner une origine prestigieuse à la franc-maçonnerie en attirant la noblesse française. Un siècle plus tard, un médecin, Bernard Raymond Fabré-Palaprat affirme détenir un document secret, daté de 1324, révélant que Jacques de Molay aurait transmis à un certain Laménius, les secrets du Temple avant que ce dernier ne se réfugie en Ecosse. Un faux bien sûr qui contribuera à la propagation du mythe templier et des idées reçues que de nombreux romans au XXe siècle perpétuent.

0 réponses

Laisser un commentaire

Rejoindre la discussion?
N’hésitez pas à contribuer !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.