Amans-Alexis Monteil. Une approche nouvelle de l’Histoire
Ultime rejeton d’une famille qui en compte six, Amans-Alexis Monteil voit le jour, le 7 juin 1769, – le même jour que Napoléon Ier – rue Neuve, en ce temps appelée rue Marchande, à l’endroit précis où sera apposée une plaque, le 9 juin 1974. Parallèlement à une carrière d’avocat peu rémunératrice, son père assure des charges importantes auprès du chapitre de la cathédrale et de l’administration royale, lui permettant d’augmenter ses revenus et d’acquérir plusieurs domaines de bon rapport, notamment dans le Vallon, à Istournet et à Saint-Geniez-des-Ers, paroisse de Sainte-Radegonde.
Après une jeunesse un brin rêveuse, Amans-Alexis se plie au désir paternel de voir son fils lui succéder dans sa charge d’avocat. Mais, là encore, la Révolution vient bouleverser l’ordre établi. A l’image de la bourgeoisie de ce temps, les Monteil applaudissent à l’effondrement de l’absolutisme et aux réformes. Ce dont la famille ne profite guère dans la mesure où le père d’Amans-Alexis perd l’ensemble de ses charges et donc de ses revenus, entraînant la ruine de ses domaines qu’il doit se résoudre à vendre. La carrière de son fils s’en trouve similairement bouleversée. Ayant pris faits et causes pour la Révolution, il accepte, en 1793, en pleine période de la Terreur, la place de secrétaire du district d’Aubin. Il se maintient à ce poste délicat jusqu’en 1796. Changeant prudemment d’orientation, il fait jouer les relations paternelles pour obtenir la chaire d’histoire à l’Ecole Centrale de Rodez, nouvellement créée. C’est le tournant de sa vie. Parallèlement à sa fonction, Monteil se lance dans la recherche historique, collectant une foule d’informations sur la vie économique, sociale, les mœurs et les traditions de notre département. Les domaines que possédaient son père, à Sainte-Radegonde et à Gipoulou, en contrebas de Saint-Jean-le-Froid, lui offrent l’occasion de côtoyer les hommes et les femmes de ce monde rural et d’en recueillir les modes de travaux et de tradition.
Une telle approche est novatrice tant l’Histoire restait confinée depuis des lustres dans l’énumération des récits militaires et des faits politiques. A ce titre, Monteil peut être considéré comme le précurseur de l’histoire sociale, prenant le contre-pied de « l’histoire-bataille ».
En 1802, il publie sa Description du département de l’Aveiron, ouvrage remarquable dont aucun historien local ne peut faire, aujourd’hui, l’économie de la lecture. « La ville de Rhodez, écrit-il, a plusieurs faubourgs. Elle est ceinte de murailles, accompagnées de remparts sur lesquels on peut encore faire le tour de ville, quoique l’on ait déjà commencé à les couper pour y construire des terrasses, ou pour y bâtir. L’aspect de la ville n’a rien d’agréable et les rues n’y sont ni belles ni proprement entretenues ; il y a deux belles places fort vastes et assez régulières. On y compte environ 11,000 habitants. »
Nommé la même année professeur d’histoire à l’Ecole militaire de Fontainebleau, il démissionne en 1808 pour des raisons obscures avant d’obtenir un poste de littérature à Saint-Germain. Entre-temps, il épouse Marie « Annette » Rivier, de Saint-Geniez, trop rapidement disparue en 1813. Dès lors, il consacre sa vie à s’occuper de son fils qu’il initie à la science historique. En 1825, paraît son œuvre majeure, Histoire des Français des divers états, publiée grâce à l’appui d’amis aveyronnais parmi lesquels le philosophe Laromiguière. La mort prématurée de son fils, en 1833, le plonge dans une infinie tristesse. Se réfugiant dans la solitude, il n’a plus d’autres volontés que celle d’approfondir ses recherches et d’écrire, publiant en tout une vingtaine d’ouvrages dont le délicieux « Mes Ephémérides » où il raconte avec délicatesse ses années d’enfance. « Ce petit livre, écrit l’historien aveyronnais Combes de Patris, est indispensable à qui veut connaître l’état social du Rouergue à la veille de la Révolution… Il y a dans ces pages une fraîcheur si aimable que l’on est séduit par tant de grâce et de franchise et que l’on partage les enthousiasmes naïfs et les émois de l’historien consciencieux qui, dans ce petit livre, se révéla avant tout homme d’esprit et homme de cœur. »
Chercheur, Monteil collecte de nombreux manuscrits médiévaux et se fait le chantre de la préservation de ce patrimoine écrit, publiant en 1830 un « Traité des matériaux manuscrits ». En réalité un catalogue de manuscrits mis à la vente par Monteil. Ce qui lui vaudra une critique de l’historien aveyronnais Fernand de Barrau : « Monteil, pour vivre, fait le commerce des manuscrits ». Une critique reprise par Jean-Loup Lemaitre en 2006, publié dans la Bibliothèque de l’Ecole des Chartes, sous le titre « A.-A. Monteil (1769-1850) et les manuscrits » : « Collectionneur ou marchand ? On hésitera malgré tout à donner à Monteil le premier qualificatif. Il a collectionné pour mieux vendre, mais il a su aussi s’intéresser à des documents qui échappaient alors à l’attention des collectionneurs, comme les documents d’archives, d’apparence modestes, mais utiles pour l’historien… Il a aimé les manuscrits, il en a vécu, mais on ne peut pas dire qu’en ce domaine il ait été un phare de la recherche… »
A la fin de sa vie, l’isolement dans lequel il se réfugie dans sa demeure de Cély-en-Brière, le fait oublier de ses contemporains et c’est bien dans la misère qu’Amans-Alexis s’éteint le 20 février 1850, laissant une œuvre importante mais trop longtemps ignorée ainsi qu’une vingtaine de travaux inachevés. Une stèle dans l’ancien cimetière devenu jardin public de Cély rappelle son souvenir.
Ami de ces derniers instants, Jules Janin publiera deux ans plus tard une « Histoire d’une famille bourgeoise. Alexis Monteil », à partir de documents inédits écrits de la main de Monteil avant de conclure : « Il était si complètement un bonhomme malin, spirituel et sincère, il avait si peu vécu avec ses semblables et ses pareils, il avait prolongé par tant de pénibles travaux, à travers tant de poussières que jetaient sous ses pas les siècles écoulés, une jeunesse inaltérable ; il avait si bien mis à profit la pauvreté, le chagrin, l’isolement, la solitude et la vieillesse enfin, quand elle vint tout d’un coup le surprendre au terme de ses travaux et de ses jours, qu’il était impossible en dépit de mille difficultés de tout genre, de résister au désir de mettre en œuvre ces derniers efforts d’une ardeur qui s’éteint. »
Aujourd’hui, à Rodez, à l’ombre des arbres du square éponyme, sculpté par Denys Puech et inauguré en 1889, Amans-Alexis Monteil offre aux regards des passants attentifs, la sagesse et la modestie de l’historien.
A lire :
MONTEIL, Amans-Alexis, Une famille dans l’Aveyron sous la Révolution, Mes Ephémérides Editions Gaussen, 2009


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