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Denys Puech. Le sculpteur trop académique

Issu d’une modeste famille d’agriculteurs caussenards, Denys Puech naît en 1854 à Gavernac, commune de Bozouls. A la différence de la plupart des ruraux de ce temps-là qui considèrent l’éducation comme un pis-aller, les parents Puech ne sont pas hostiles à l’instruction. Ils en tirent même une certaine fierté devant la réussite du fils aîné, Louis, élu député de la Seine en 1898 et qui sera nommé ministre des Travaux publics entre novembre 1910 et mars 1911. Le grand frère n’est d’ailleurs pas étranger à la décision paternelle de le confier au sculpteur ruthénois François Mahoux de la même manière qu’il l’introduira plus tard auprès des notables du monde politique. Après deux années d’apprentissage dans l’atelier du maître ruthénois, Denys Puech monte à Paris et se fait engager chez l’ornementiste Feugère. Parallèlement, il consacre la moitié de son temps à préparer le concours d’admission à l’Ecole nationale des Beaux-Arts. C’est à cette époque que le mécène Chabrier, conscient de sa valeur, le prend en amitié et ne cessera plus de l’aider jusqu’à sa mort, en 1911. En 1878, le jeune sculpteur doit accomplir son année de service militaire à Albi. Pour ne pas perdre la main, il sculpte, à leur demande, les bustes de ses officiers, ravis de l’aubaine. Libéré, Denys Puech reçoit avec une grande satisfaction la décision du jury de retenir son œuvre « La naïade de Vors » pour illustrer l’arrivée à Rodez des eaux de Vors. Une première commande qui en appellera bien d’autres.

Après deux échecs, Denys Puech remporte, en 1884, le Grand Prix de Rome qui marque le début de sa consécration. Durant cinq ans, il fréquente la Villa Médicis et se perfectionne au contact de ses maîtres, utilisant ses temps de loisir à s’imprégner de la culture italienne. De retour en France, profitant des contacts de son frère Louis et de l’Aveyronnais Emile Maruéjouls, futur ministre du Commerce et des Travaux publics, Denys Puech croule sous les commandes. Cette ascension est couronnée par son entrée, en 1905, à l’Institut, et fêtée comme il se doit par ses compatriotes aveyronnais, honorés par une telle réussite qui rejaillit sur tout le département. Aussi, la municipalité ruthénoise se montre-t-elle enthousiaste quand le sculpteur lui propose, dès 1902, la création d’un musée consacré à ses œuvres, qu’il promet de financer pour moitié.

« Ce projet, écrit l’artiste le 27 juin, ce serait de faire construire à Rodez une maison pour y faire un musée de toutes mes œuvres, les modèles de mes œuvres plutôt, ce qui est encore plus intéressant pour les artistes. » L’idée de son emplacement et de son financement cheminera jusqu’à la fin de 1903. A cette époque, la presse révèle que Denys Puech aurait acheté un terrain au bas de l’avenue Victor-Hugo afin d’y établir son musée. Rebondissement en décembre 1905 lorsqu’on apprend que le futur musée pourrait s’établir près du chevet de la cathédrale, en remplacement de l’immeuble Bertrand que la mairie vient d’acquérir et se propose de démolir. Dès lors, Denys Puech et la ville de Rodez collaborent étroitement pour l’aboutissement du musée. Le 3 juin 1906, Louis Lacombe propose à Denys Puech « la création à Rodez d’un musée qui serait consacré aux œuvres des artistes aveyronnais et dont une notable partie serait réservée aux œuvres de l’éminent membre de l’Institut que le Rouergue est si légitimement fier de posséder ». Denys Puech accepte la proposition et l’emplacement au chevet de la cathédrale, promet une participation financière et recommande l’architecte Boyer, d’Espalion, pour mener à bien sa réalisation. En janvier 1907, la presse dévoile le plan du musée. Mais sa réalisation n’aboutira pas ! Du moins, pas sur cet emplacement. Pour quelle raison ? Tout simplement pour une question d’esthétique. En effet, l’immeuble Bertrand démoli, tout le monde estime nécessaire de préserver le chevet dégagé de toute nouvelle construction. Les deux artistes aveyronnais, Eugène Viala et Emma Calvé, demandent avec force qu’un autre emplacement soit trouvé, la cantatrice promettant de financer le projet à hauteur de 20 000 francs à la condition que la mairie renonce à faire élever le musée sur l’immeuble Bertrand. Les critiques écoutées, en 1908, la mairie de Rodez propose à Denys Puech l’implantation du musée des artistes aveyronnais sur la place Sainte-Catherine en même temps qu’il rebaptise le boulevard Sainte-Catherine en boulevard Denys-Puech. La première pierre du musée est posée le 26 avril 1908 à l’occasion d’un grand banquet, présidé par l’artiste et la cantatrice Emma Calvé. Deux années plus tard, le musée est achevé et inauguré en grande pompe, le 17 juillet 1910, parallèlement à un grand meeting d’aviation, le premier à Rodez. Quatre années sont encore nécessaires pour permettre l’ouverture au public, officialisée le 19 mai 1914.

Après la guerre, veuf de la princesse Anna Gagarine-Stourza, Denys Puech accède à la direction de la Villa Médicis. Rapidement, sa pédagogie est en butte aux réactions de ses élèves, désireux de s’affranchir des anciennes méthodes auxquelles Denys Puech continue d’adhérer. Car si Denys Puech possède de fervents partisans, d’autres n’hésitent pas à critiquer ouvertement ses choix, sa personnalité trop ambitieuse et ses idées politiques proches de l’Action Française. C’est ainsi que naît une vive polémique à propos du monument de la Victoire commandé par la municipalité ruthénoise sur proposition désintéressée du sculpteur, certains y voyant le plus sûr moyen de s’octroyer la commande au dépens de ses confrères aveyronnais. Critique qui s’ajoute à celle de l’emplacement, jugé de mauvais goût, « sa beauté laiteuse jurant sur le grès rose du vieil édifice religieux ».

Revenu de Rome en 1933, Denys Puech séjourne quelques temps en Aveyron avant de partager son temps entre le département et la Côte d’Azur, au climat moins rude. Il s’éteint le 9 décembre 1942, dans une quasi-indifférence. Outre son talent artistique qui s’épanouit dans un classicisme pur et sans concession, on retient de Denys Puech l’image d’une réussite sociale à laquelle il accéda, à force de travail et d’abnégation, malgré la modestie de sa condition.

A lire :

Denys Puech. 1854-1942, Musée Denys-Puech, 1993

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