Paul Ramadier. Le visage humain du socialisme
Si plusieurs Aveyronnais peuvent se targuer d’un poste ministériel, un seul, à ce jour, a pu accéder au titre de chef du gouvernement. Cet homme, c’est Paul Ramadier. Né à La Rochelle, le 17 mars 1888, le jeune adolescent suit ses parents à Rodez où son père vient d’obtenir la place de directeur de l’asile d’aliénés. Après de brillantes études au lycée de cette ville, il décroche son baccalauréat à l’âge de seize ans. Le militantisme le touche déjà qui le voit fonder le Cercle des Etudiants Socialistes de Rodez avant d’adhérer à la S.F.I.O., influencé par la personnalité de Jean Jaurès. Etudiant en droit à Toulouse, ses licences de droit et en lettres obtenues, il monte à Paris pour décrocher son doctorat de droit. Paul Ramadier s’inscrit au barreau où il prend souvent la défense des salariés. Durant tout ce temps, il n’a pas abandonné l’Aveyron. Rédacteur de L’Eclaireur, organe aveyronnais de la S.F.I.O., il prend en 1913 la défense des mutins du 122e R.I., à Rodez. La guerre éclate sur ces entrefaites. Malgré sa forte corpulence, Paul Ramadier refuse tout ajournement. Incorporé au 122e R.I. de Rodez, il part combattre sur le front. Grièvement blessé en 1916, il retourne à l’arrière, médaille militaire et Croix de guerre épinglées à sa vareuse de sergent d’infanterie. Se rappelant les qualités du jeune avocat, Albert Thomas, alors ministre de l’Armement, l’appelle comme attaché particulier. Malgré la brièveté de sa fonction (il ne reste que quelques mois en place), Paul Ramadier peut nouer des relations et faire valoir ses hautes capacités. Candidat aux élections municipales de 1919, il est élu pour la première fois dans le bastion ouvrier de Decazeville, bénéficiant de l’influence de la Loge maçonnique « La Parfaite Union » à laquelle il a adhéré le 22 février 1913. Débute alors par ce mandat une extraordinaire carrière politique. Maire, conseiller général du canton de Decazeville, président du Conseil général en 1945, député de l’arrondissement de Villefranche dès 1928, il accède aux charges ministérielles sous le Front Populaire, d’abord comme sous-secrétaire d’état à l’énergie et au pétrole, ensuite comme sous-secrétaire d’état aux Travaux Publics puis comme ministre du Travail. Travailleur infatigable, il prépare plusieurs lois sur le travail, la retraite et les 40 heures. Entre-temps il a quitté la S.F.I.O. pour adhérer à l’Union Socialiste Républicaine. « Je suis socialiste, a-t-il l’habitude de dire, par générosité sociale et non par adhésion au marxisme », ce qui le coupe définitivement du Parti communiste avec lequel il sera toujours en conflit. A Decazeville, il met en pratique ses idées, multipliant les initiatives au secours de la laborieuse population du bassin houiller : dispensaires médicaux gratuits et logements économiques pour les familles de mineurs, crèches pour les bambins, assistance aux retraités sans soutien. Pour les adolescents, il construit une colonie de vacances à Marroule, près de Villefranche. Il se fâchera un jour en faisant la tournée des popotes, étonné que les petits colons ne boivent que de l’eau et exigeant qu’on leur distribue un verre de pinard à chaque repas !
Paul Ramadier fonde aussi un service municipal pour les funérailles de ceux qui ne peuvent accéder aux tarifs des Pompes funèbres. Il fait fabriquer un corbillard hippomobile du plus bel effet, veillant à ce qu’il soit « habillé d’un velours noir brodé de fils argentés ». Agnostique mais pas sectaire, il n’oublie pas d’orner le véhicule de la croix chrétienne… mais il prévoit qu’elle soit « amovible afin que l’on puisse l’ôter facilement pour les défunts qui exigent des obsèques faciles » !
En 1940, la défaite consommée, il fait partie des 80 parlementaires qui refusent d’accorder les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Destitué de ses mandats, il se réfugie en Aveyron où, dans la plus grande discrétion, il parvient à monter un réseau secret permettant de cacher de nombreux juifs. Ce qui lui vaudra d’être inscrit sur la liste des Justes parmi les Nations à Yad Vashem. Homme d’une profonde intégrité, faisant toujours passer l’intérêt national au-dessus de ses intérêts personnels, il accepte, en 1944, le difficile ministère du Ravitaillement, poste qu’il conserve six mois et qui lui vaut le surnom ironique de Ramadiète ou Ramadan. Ce qui ne l’empêche pas de rebondir l’année suivante, d’abord comme Garde des Sceaux du gouvernement Blum puis en tant que président du Conseil, appelé de janvier à novembre 1947 par le Président de la République Vincent Auriol, qui le qualifie de « fils spirituel » de Léon Blum. Ce passage à la tête du gouvernement scelle sa rupture avec les communistes qu’il évince du gouvernement après leur refus de rendre hommage aux soldats français se battant en Indochine. Paul Ramadier occupe ensuite d’autres fonctions ministérielles, à la Défense d’abord (1948-1949) puis aux Affaires économiques et financières (1957-1958). C’est durant ce ministère que Ramadier met en place la vignette auto, lui valant le nouveau surnom de « Père la vignette ».
Ce mammouth de la vie politique française joue aussi un rôle au niveau international, participant aux négociations du plan Marshall et au Bureau international du travail qu’il préside en 1951. Mais tout a une fin et nul n’est prophète en son pays, malgré près d’un demi-siècle de présence dans le bassin. Battu en 1958 aux législatives, il perd l’année suivante les élections municipales de Decazeville. Paul Ramadier se retire peu à peu de la vie politique, ne conservant que son mandat de conseiller général, avant de succomber à une crise de diabète, le 14 octobre 1961, à Rodez, à l’âge de 73 ans. Quelques jours plus tôt, le général de Gaulle, en visite en Aveyron, était venu lui rendre un dernier hommage à la clinique Garrigues.
A lire :
FONVIEILLE-VOJTOVIC, Aline, préface de René Rémond, Paul Ramadier (1868-1961) : élu local et homme d’État, Publications de la Sorbonne, coll. « Histoire de la France au xixe et xxe siècle » (no 32), 1993
BERSTEIN, Serge, sous la dir., Paul Ramadier : la République et le socialisme, Editions Complexe, 1990


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