, , ,

Béranger de Nattes : « Anglais go home ! » 17 septembre 1368

Nous sommes en 1368. Depuis dix-huit ans et le traité de Brétigny, le Rouergue, partie du duché d’Aquitaine, est soumis à l’occupation anglaise. Dans les faits certes mais sûrement pas dans les esprits, le comte Jean Ier d’Armagnac continuant d’y exercer son autorité et la population demeurant toujours fidèle au roi de France. Ainsi, à l’injonction du sénéchal du Rouergue Tomas de Watevhale, représentant le prince d’Aquitaine, d’apposer les armes du prince anglais sur les portes de la ville, le 6 juin 1365, les consuls de Rodez ne s’y résolvent que contraints et forcés, faisant élever en même temps tout autour de la ville de solides murailles en prévision d’un affranchissement du joug anglais. Car les exactions anglaises à travers le Rouergue ont provoqué, dès le début de l’occupation, le courroux des populations qui atteint son paroxysme avec la création d’un nouveau droit, le fouage, imposé à l’ensemble de la Guyenne. Le prince d’Aquitaine doit alors subvenir aux frais d’expédition qu’il a menée en Espagne lors de la bataille de Navarette. Une taxe d’un franc guiennois sera prélevée par feu, annuellement, pendant cinq ans. Taxe qui sera réduite à dix sous par feu après intervention d’une assemblée de prélats, de nobles et de communautés à Angoulême.

Un montant jugé encore trop excessif qui provoque, selon l’historien De Gaujal, « le soulèvement de huit cents villes ou forteresses de cette province et ce fut Rodez qui donna l’exemple ». L’abbé Bousquet, dans son « Abrégé de l’Histoire du département de l’Aveyron » renchérit sur « le patriotisme » rouergat : « Au sentiment de tristesse, de stupeur, de désespoir, qui avaient produits ces excès, succéda dans le cœur des Rouergats la ferme et généreuse résolution de briser les fers et de chasser les oppresseurs. Fatigués de l’insolence britannique, n’écoutant que les sublimes élans de leur âme et la noble indépendance de leur caractère, ils jurèrent tous de redevenir français et de détruire par les armes le traité de Brétigny. »

A chaque révolte correspond un meneur que les événements se chargent de transformer en héros, entre Histoire et récit légendaire. A Rodez, il s’appelle Béranger de Nattes. Agé d’une quarantaine d’années, il exerce la fonction de consul du Bourg, cette partie de la ville étant le fer de lance de la révolte, la Cité de l’évêque se montrant plus frileuse au vu du danger à affronter les Anglais. Le 17 septembre 1368, Béranger de Nattes sonne le signal de la révolte. Du moins si l’on en croit la légende et le récit de quelques historiens enthousiastes (Cabrol, Bosc, De Gaujal), contestés par d’autres historiens s’appuyant sur les archives de l’époque ou plutôt sur leur absence, comme l’indique Pierre Benoit dans son ouvrage sur « Le Vieux Rodez » : « Les documents officiels de l’époque, les registres des deux communautés tenus au jour le jour pendant les années 1367-1368 […] restent muets sur un événement d’une si grande importance ; bien plus ils ne mentionnent point le passage ou la présence de troupes anglaises à Rodez. » Point de vue corroboré par le marquis de Valady en 1864 dans les Mémoires de la Société des Lettres de l’Aveyron. Sans aucun doute, Rodez est le point de départ d’une révolte qui fait tache d’huile dans l’ensemble du Rouergue et bien au-delà, provoquant une réaction pour le moins frileuse des Anglais, le lieutenant du sénéchal mettant le siège devant Rodez avant de rebrousser chemin. Le sénéchal lui-même qui fait route vers Rodez avec 60 lances et 200 archers est stoppé à Montauban par les comtes de Comminges et du Périgord. Bien pâle répression en effet !

De Gaujal raconte la suite des événements en Rouergue : « L’abbé et les moines de Bonnecombe s’empressèrent d’imiter l’exemple de Rodez en reconnaissant la supériorité du roi de France et en plaçant leurs maisons et leurs forts sous son obéissance. Par suite de cette démarche, le fort de Bonnefont fut attaqué par les Anglais : pour empêcher qu’ils ne s’y pussent loger, on y mit le feu durant l’attaque ; et les fruits, les titres, les meubles, même quelques religieux furent brûlés.

« La ville de Najac ne tarda pas non plus à suivre l’exemple de Rodez. Les Anglais s’étant mis en défense, dix-sept furent tués et les autres chassés. »

Pour Béranger de Nattes et Rodez, le temps des récompenses suit celui de la révolte. Le consul et ses enfants sont anoblis par le roi Charles V l’année suivante et lui-même reçoit un don de cent livres ; les habitants de Rodez, qualifiés de « vrais et fervents zélateurs de l’honneur du royaume, qui les premiers du duché d’Aquitaine ont appelé au roi et à son parlement » reçoivent des libertés et lettres de patentes en guise de récompenses.

Béranger de Nattes disparaît en 1393. Laissant une trace dans l’histoire de sa ville : par une tour, appelée la tour de Nattes, place du Bourg, détruite à la fin du XIXe siècle ; par une rue qui porte encore son nom, depuis la place du Bourg jusqu’à la place Eugène-Raynaldy ; puis par un spectacle donné à Rodez en 1995, retraçant cet événement.

0 réponses

Laisser un commentaire

Rejoindre la discussion?
N’hésitez pas à contribuer !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.