Charlemagne et Roland : duo mythique
L’un aurait ni plus ni moins inventé l’école, une folle idée en ce VIIIe siècle où l’on préfère s’étriper à qui mieux-mieux plutôt que d’apprendre à lire et à écrire ; le second serait mort, l’épée bien en main, à Roncevaux, submergé par des hordes de méchants Sarrasins. Vérité ? Mensonges ? Construction littéraire d’un mythe ? Où quand on fait prendre aux potaches de la IIIe République une « chanson » pour des lanternes !
Roland de Roncevaux : la chanson qui fait le héros
Avec Du Guesclin et Bayard, Roland appartient à la trilogie des guerriers « sans peur et sans reproche ». Une sorte de marque déposée : de pas dans la roche au fil de ses pérégrinations militaires ; des précipices franchis allègrement par sa monture Veillantif (le Saut de Roland) ; de passages comme à Gavarnie taillés dans la montagne par le couperet de son épée, la fameuse Durandal dont la légende la situe parfois à Madrid, à Rocamadour ou dans un village pyrénéen. De quoi avec ce géant du temps médiéval, donner du grain à moudre, de la fierté et du patriotisme aux rejetons d’avant 14-18. Roland, c’est l’incarnation de ce que devra être le futur poilu boutant hors de l’Alsace-Lorraine, les « cruels » Boches.
Roland possède toutefois une réalité historique. Né en 736, comte des Marches de Bretagne, il fait partie de cette armée franque de Charlemagne chargée de porter la foi chrétienne en Europe. Aussi, quand l’empereur à la barbe fleurie s’en va chasser du sarrasin en Espagne, Roland fait partie de l’expédition qui voit Pampelune pillée et Saragosse, se soumettre. Retour de bâton : les Vascons (Basques) fâchés d’avoir vu leur ville pillée se lancent à la poursuite de l’armée franque et tombent sur l’arrière-garde de l’arme franque mise en débandade, Roland succombant sous le nombre.
Trois siècles plus tard, par la plume du poète Turold, la chanson de Roland raconte une autre histoire : celle du héros chevaleresque chrétien, sonnant du cor et ne ployant que sous le nombre de ces Sarrasins infidèles. Il ne lui restait plus qu’à entrer par la porte des livres scolaires, dans cette école du patriotisme dont son soi-disant oncle, Charlemagne, fut l’inventeur.
Sacré Charlemagne !
Est-ce parce que tout gamin et ensuite devenu adulte, Charlemagne savait à peine lire et encore moins écrire un traitre mot qu’il se mit en tête, entre deux champs de bataille, de faciliter – la nuance est d’importance – l’accès à l’école à un plus grand nombre de ses sujets, élevant le niveau de son administration qui laissait à désirer pour la bonne conduite de l’Empire. Car, pour ce qui est de l’invention de l’école, Egyptiens, Grecs et Romains nous avaient déjà passablement devancés. Faut dire que l’Empereur eut tout au long des siècles des admirateurs qui s’ingénièrent à le considérer comme le père de l’école, des humanistes du XVIe siècle, à Bossuet qui l’encense en passant par Victor Hugo qui parle « du géant d’un monde créateur ». Il ne restait plus qu’à l’école de Jules Ferry de s’emparer du personnage, lui l’empereur qui, visitant une classe d’élèves, n’hésita pas à féliciter les élèves issus du peuple pour leur travail et leurs bons résultats face à ces fils d’aristos feignants et ne comptant que sur leur titre pour se faire une place dans la société. Du pain béni pour la République naissante soucieuse de mettre en avant le travail, le patriotisme et les possibilités d’ascension sociale par l’école. Avant qu’au fil du XXe siècle, Charlemagne perde ses lettres de noblesse scolaire pour ne devenir qu’une chanson que même les moins de vingt ans ne chantonnent plus ! Mabillon, Lavisse et les hussards de la République en pleureraient de dépit !
La chanson de Roland
Composé de 4000 vers, la chanson de Roland raconte le combat de l’arrière-garde de l’armée de Charlemagne au col de Roncevaux, le 15 août 778 face aux Sarrasins lesquels, dans les faits, étaient des Vascons.
« Car Roland sent que la mort est proche :
Par les oreilles lui sort la cervelle.
Pour ses pairs il prie que Dieu les appelle,
Et pour lui-même implore l’ange Gabriel.
Prenant son olifant dans une main, Et Durandal son épée ;
De plus d’une portée d’arbalète Il s’avance vers l’Espagne.
Au sommet d’un tertre, sous deux beaux arbres
Il y a quatre blocs de marbre luisant ;
C’est là qu’il tombe à la renverse, sur l’herbe verte ;
Il s’est évanoui, la mort est proche. »
(Extrait de la Chanson de Roland. V)


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