Consulter les astres s’avère un désastre
Outre sa propension gastronomique à mettre chaque dimanche la poule au pot – ce qui passe pour l’une des grandes réformes sociales de son règne !!! – le roi Henri IV s’autorise parfois à interroger les astrologues afin de connaître ce que l’avenir lui réserve. Ce qui n’est pas forcément du goût – bien qu’il en fasse un usage modéré comparé à Catherine de Médicis – de certains de ses sujets tel Pierre de l’Estoile qui préfèrerait que « sa majesté eust eslongné de soy et de sa cour, banni et nettoyé son royaume, de telles pestes et ordures, et de beaucoup d’autres aussi mauvaises et infectes que celle-là ». En d’autres termes, Pierre de l’Estoile désire purger le royaume de tous les astrologues, devins et voyants qui pullulent à Paris et en province en ce temps-là.
Le célèbre mémorialiste, pour qui la vie à la Cour n’a aucun secret, rapporte dans son « Journal » l’entrevue qu’Henri IV sollicite auprès du célèbre astrologue Thomassin afin de l’interroger sur « les choses à venir ». Malheureux Henri IV qui ne s’attend sans doute pas à une telle prévision !
La scène se déroule dans la chambre royale. Le monarque est d’humeur joviale. Le repas a été excellent et le vin, gouleyant. Plus belle la vie donc quand Thomassin lui assène sans scrupules « de se garder du mois de may de l’an 1610 » jusqu’à lui désigner le jour – « entre le treizième et le quatorzième jour » – où la camarde viendra le surprendre.
La réaction du roi ne se fait pas attendre. Se moquant de son astrologie – pourquoi dès lors l’avoir fait venir ? – Henri IV « le prit tantost aux cheveux, tantost à la barbe, lui fist faire deux ou trois tours de chambre, et le renvoya de ceste façon, montrant le peu de foy qu’il ajustait aux prédictions de tous ces beaux devins ». Thomassin a pourtant vu juste. Le 14 mai 1610, « Le Vert-Galant » succombe sous les coups de poignard de Ravaillac.
Le traitement subi par le malheureux Thomassin aurait dû freiner les ardeurs astrologiques de ses confrères, dont un certain sieur de La Rivière, lequel à plusieurs reprises avait repoussé toutes prédictions à l’égard du roi avant de succomber à ses demandes réitérées.
Médecin né à Falaise, élevé dans les principes du calvinisme, La Rivière est d’abord expulsé de Paris sur ordre du doyen de l’académie de médecine Monantheuil, jaloux de sa réputation. Il revient dans la capitale après avoir gagné les bonnes grâces du duc de Nemours qu’il a guéri d’une grave maladie. Devenu premier médecin du roi – une douce vengeance à l’égard de ses confrères parisiens – il gagne la confiance de Gabrielle d’Estrées, « la duchesse d’ordure » comme la surnomme le peuple, laquelle le comble de faveurs.
Longtemps, La Rivière se défend de tirer, à la demande d’Henri IV, l’horoscope de son fils, le futur Louis XIII. Ne pouvant plus reculer aux risques de déplaire, il finit par révéler à Henri IV la vérité sur les événements à venir concernant son rejeton : le jeune prince s’attachera à ses opinions avant de s’abandonner à celles des catholiques ; il fera de grandes choses et, information du plus grand intérêt, il vivra à l’âge d’homme. Ce qui, une fois de plus, se vérifiera sans savoir si le bon roi Henri fit subir à l’égard de La Rivière, le même sort qu’à Thomassin.
Louis XIV, fils de Louis XIII, en dépit de sa grande Foi et de son aversion pour les sciences occultes, n’hésite pas lui non plus à consulter. Vers 1663-1664, alors âgé de 25-26 ans, il convie à Saint-Germain une devineresse fort connue sur la place de Paris, « diseuse de merveilles », auprès de laquelle il prend soin de ne rien dévoiler de sa condition, s’habillant en homme du peuple. La pythonisse, qui n’a rien vu venir – un comble pour une voyante – examine sa main et, après moultes réflexions et hochements de tête, lui révèle « qu’elle ne sait qui il est, qu’elle voit bien qu’il est au-dessus de ce qu’il parût, qu’il est marié, mais pourtant un maître galant et qui a eu bien des bonnes fortunes, qu’il deviendra veuf et tout de suite s’éprendra d’une veuve déjà surannée, de la plus basse condition et le reste de tout le monde, que sa conduite ne lui sera pas inconnue, mais qu’elle ne l’arrêtera pas, qu’il l’épousera et qu’elle le gouvernera et mènera toute sa vie par le bout du nez et qu’enfin, ressentant la sottise qu’il a faite, il prendra cette dame en aversion et mourra de douleur et de honte ».
Une prédiction qui se vérifiera, le Roi-Soleil, fieffé détrousseur de jupons, ouvrant sa couche à des prétendantes empressées comme la Montespan, la Fontanges ou la Maintenon.
Quelques décennies plus tard, soucieux de connaître l’issue de la guerre qu’il mène contre les Austro-hollandais dans la guerre de Succession d’Espagne, Louis XIV consulte l’une des plus célèbres devineresses de son temps, Marie Amburguet. La voyante n’hésite pas et révèle au roi la victoire, pourtant jugée improbable après plusieurs défaites, des Français à Denain, le 24 juillet 1712. La bataille enfin gagnée, Louis XIV la gratifie de 6600 livres pour service rendu à la monarchie.
Lire la mort du Roi-Soleil dans un verre d’eau, telle est l’étrange scène à laquelle assiste le duc d’Orléans en 1706. Lors d’une soirée festive dans son Palais Royal où la débauche le dispute à la culture, un mage, secondé par une toute jeune fille, est convié à voir – et non à boire – dans un verre d’eau ce qui se passera dans la chambre du roi à l’instant de sa mort. Quelle n’est pas la surprise des convives quand la gamine décrit avec force détails meubles et objets de la pièce avant de découvrir les individus qui se pressent autour du lit mortuaire. Il y a là madame de Maintenon, la sœur du roi, la duchesse d’Orléans et un jeune enfant de cinq ans environ. Mais point de princes de sang ! ce qui ne manque pas d’étonner un duc de plus en plus sceptique. Comment se peut-il ? Inviter à revisiter la chambre, la fillette confirme ce qu’elle a déjà vu : au chevet du roi ne demeure qu’un frêle enfant. Du Grand Dauphin et de son fils, le duc de Bourgogne, pas la moindre apparition. Curieux de savoir le sort qui lui est réservé, le duc d’Orléans invite alors le mage à lui prédire l’avenir. Apparaît alors sur un mur de la pièce, après plusieurs minutes de prières incantatoires, la tête couronnée du duc, lui laissant espérer un avenir royal. Pour étrange que ce soit, les prédictions se révèleront exactes. Une incontinence de décès frappe de 1711 à 1715 toute la famille royale, ouvrant la porte de la Régence au duc d’Orléans en attendant que le petit garçon de cinq ans environ, arrière-petit-fils de Louis XIV, atteigne sa majorité et puisse gouverner sous le nom de Louis XV.


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