Du collège des Jésuites au Collège royal
Afin de freiner la progression du protestantisme à Rodez, l’évêque George d’Armaignac envisage dès 1553 la création d’un collège après avoir chassé le régent et ses adjoints, accusés de collusion avec le calvinisme. L’historien Bonaventure Lunet, dans son ouvrage Histoire du collège de Rodez, retrace les prémices de cette création avant son inauguration, le 22 juillet 1562, jour de la Sainte Madeleine. « Les fondateurs furent les quatre consuls et George d’Armaignac. L’évêque assigna au nouveau collège une rente annuelle de 300 livres, qui devait être servie par lui et par ses successeurs jusqu’à ce qu’il eût été uni au collège un bénéfice d’égale ou de plus grande valeur. La partie de la ville connue sous le nom de Cité donna le local dit des Ecoles, consistant en une tour, une basse-cour et un petit jardin attenant, et les rentes dont jouissaient les quatre maîtres. Le Bourg alloua une somme de 1000 livres qui fut employée partie à réparer les bâtiments, partie à acheter des effets mobiliers. Par acte du 27 août de la même année, le Bourg et la Cité accordèrent au collège la jouissance à perpétuité de la tour ronde, voisine de la porte des Cordeliers. »

Le collège des Jésuites connaît dès sa naissance un grand succès, comptant près de 1500 élèves dix ans après sa création, assurant également l’enseignement primaire. Les locaux se révèlent dès lors largement insuffisant et nécessitent des agrandissements successifs et la recherche de financement. Grâce à la diplomatie du Père Jean de Lorraine, le collège obtient du roi Charles IX une prébende préceptorale et des Etats de la Province, une rente perpétuelle de 300 francs portée à 900 francs par le Roi. Par l’acquisition de seigneuries et de fiefs, le collège s’agrandit de divers bâtiments contigus au premier local. Pierre Benoit écrit à ce propos dans Le vieux Rodez : « Dès la fin du XVIe siècle, les Jésuites possédaient bien l’emplacement du collège actuel, mais aucune construction régulière n’existait. En ce lieu s’élevait un ensemble de bâtiments tout à fait irréguliers : ici les deux tours ; là deux belles classes et un corps de logis construits par les sieurs Combret et de La Roquette ; d’autres maisons provenant des sieurs d’Albeseyre et de la Roquette, le tout divisé par des cours, des jardins et de misérables maisons achetées à des particuliers, traversées même par une rue. Les jésuites décidèrent de mettre de l’ordre, et arrêtèrent un plan d’ensemble. Ils élevèrent tout d’abord la chapelle (1595) qui resta isolée pendant un certain temps ; ils commencèrent ensuite les bâtiments de la cour centrale (1637). Puis, en 1662, autorisés à supprimer la rue qui allait directement de la porte des Cordeliers à la chapelle en traversant l’emplacement de la grande cour occidentale, les jésuites élevèrent les bâtiments, qui entourent cette cour… »
Rapidement, la réputation du collège des Jésuites dépasse largement la contrée du Rouergue quand l’arrêté interdisant l’enseignement aux jésuites parvient à Rodez le 5 juin 1762, soit deux siècles après leur arrivée en ville. La réaction des édiles de Rodez ne se fait pas attendre. Un bureau d’administration est nommé, chargé de mettre en place une nouvelle organisation. Mais durant l’année 1764, « une nouvelle inattendue vint plonger la ville et la province dans la plus grande consternation ». Le Parlement de Toulouse émettait l’idée de supprimer tout bonnement le collège de Rodez. Le combat ne cesse que lorsque le Roi confirme l’établissement par ses lettres patentes du 19 janvier 1765, portant la naissance du Collège royal où enseignent Dominicains, Doctrinaires et prêtres séculiers. L’historien Monteil nous fournit dans ses Ephémérides une large description : Le Collège Royal de Rodez, qui avait alors six cents écoliers, plus que moins, était doté en biens fonds, rentes féodales ou dîmes de 30000 francs. Il y avait cinq professeurs de grammaire latine ou de rhétorique ; deux de philosophie, mathématiques et physique ; deux de théologie ; un préfet ; un principal qui gouvernait à son compte le pensionnat composé de cinquante à soixante jeunes gens. Chaque professeur, outre la nourriture et le logement, avait, suivant la classe, cinq, sept, huit cents, mille francs d’appointement. Le professeur de philosophie prenait la première année de chaque écolier six francs, ce qui lui valait huit cents francs. Le matin, deux heures et un quart de classe suivie de messe ; le soir deux heures et demie. Congé le jeudi et le dimanche. Vacances de trois mois pour la théologie et la philosophie, de deux mois et demi pour les basses classes… Presque tous les professeurs étaient prêtres, et tous étaient tonsurés… L’uniforme du pensionnat était un habit bleu, collet rouge, chapeau à ganse d’or. Pour nos quatre cents francs, nous étions fort bien nourris. »
Aux connaissances s’ajoute l’esprit d’initiatives et de mise en pratique. C’est ainsi que deux professeurs, l’abbé Charles Carnus et Louis Louchet, avec l’aide de leurs élèves, conçoivent le projet de faire voler une montgolfière entièrement réalisée par leurs soins. L’ascension se déroule le 16 août 1784 devant les yeux ébahis des Ruthénois, accomplissant un des tous premiers vols en montgolfière.


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