I- Théâtre de cire

Le musée Tussaud à Londres n’existe pas encore. Pas plus que le musée Grévin à Paris. Pourtant, en cet été 1818, la foule parisienne se presse devant le 65, rue de Richelieu. Ils sont là, ces bourgeois ventrus ; ces femmes du monde ; ces commerçants et ces employés. Domestiques et ouvriers de l’industrie à se presser devant le cabinet de cire pour découvrir ce qui fait le sel de l’affaire criminelle la plus célèbre de la Restauration : la cuisine de la Bancal, l’horrible tenancière d’une maison où, le 19 mars de l’année précédente, l’ex-procureur impérial Antoine-Bernardin Fualdès fut égorgé comme un cochon.

Les masques de cire ne sont pas innocents. Ils sont grotesques. Réalisés pour donner le ton. Pour donner à voir. Pour en faire un inépuisable sujet de conversations. Jusqu’à en perdre le sommeil. Le masque se veut outrancier. Le vice collé aux visages. Regards sombres de Bastide et de Jausion. Les cerveaux de l’affaire. Fronts sourcilleux. Bouches sournoises. Bousquier, Bach et Collard. Les seconds couteaux. A ces trois-là, mieux ne vaut pas leur confier sa bourse. Missonnier et ses traits de pauvre idiot. Ne raconte-t-on pas à son sujet qu’il pêche en jetant des pierres sur les truites au fil de l’Aveyron ! La répétition avant l’acte. Dans sa cuisine, penchée sur le baquet qui a récolté le sang de Fualdès, la Bancal, affreuse mégère, donne à manger à son cochon.

Lieu infâme. Lieu maudit. Lieu de perdition. La maison du meurtre.

Seule, Clarisse Manzon échappe à cette parodie. A l’image de ses révélations et de ses contradictions, son masque exprime la finesse de ses traits et sa mystérieuse personnalité.

Le théâtre de cire est en place. Le spectacle peut commencer ! Pour deux sous la séance.

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