III- 1940-1944. Jouer au football en temps de guerre (I)

En 1939, le sport aveyronnais, en plein essor depuis une dizaine d’années, est touché de plein fouet par la crise internationale. Une longue période de doutes et d’instabilité s’ouvre, peu propice au développement des activités sportives.

Au départ, la mobilisation générale provoque une lente érosion des effectifs et la mise en sommeil des compétitions. Les clubs, faute de combattants partis batailler sur d’autres terrains, vivent au ralenti, avant de payer un lourd tribut à la guerre. Le Stade Ruthénois rugby est particulièrement touché. Sur les quinze titulaires de son équipe fanion, dix sont faits prisonniers et un (Paul Lignon) est tué au combat.

Pour jouer, il faut aussi pouvoir disposer de terrains de jeu, ce qui n’est pas le cas de Rodez dont le stade est occupé par les automobiles réquisitionnées. En attendant une hypothétique restitution, les rugbymen ruthénois encore en activité continuent à pratiquer leur sport favori grâce à la sportivité des clubs voisins tandis que le foot se réfugie sur le terrain du Foirail, prêté par le 51e R.I.

Terrain du Foirail. Début des années 1940

Le Parc des Haras est libéré fin 1941. Mais le terrain est dans un état si épouvantable que joueurs et dirigeants doivent combler les fondrières, ratisser, rouler et déblayer la pelouse des débris de fer et de bois qui la parsèment, avant de le rendre utilisable. Jusqu’à l’arrivée des troupes d’occupation, en novembre 1943, où le Parc des Haras est de nouveau réquisitionné.

Les difficultés de transport, dues au rationnement, représentent un autre casse-tête. Les équipes qui empruntent le train ont des horaires épouvantables à gérer. Pour une partie disputée à Cransac, le départ des joueurs ruthénois est fixé à 5 h 33. Retour, à la nuit tombée, pour 21 h 30. De quoi vous dégoûter de faire du sport ! Quand les clubs sont situés à l’écart des voies ferroviaires, les déplacements s’effectuent en voitures particulières, non sans avoir reçu, au préalable, une autorisation de circuler, délivrée par les Ponts-et-Chaussées. C’est le temps de la bureaucratie vichyste, poussée parfois à la limite du grotesque. Pour entamer leur saison, les clubs sont obligés d’attendre la date de reprise des compétitions, fixée par la Direction Générale de l’Education et des Sports, tout match amical étant interdit avant cette date, sous peine de sanctions !

Aimé Biau, dans son ouvrage, nous raconte quelques-unes de ces péripéties : « Le terrain du Foiral n’était souvent pas libre, servant de parc à voitures pour l’armée. Il fallait donc avant chaque match faire évacuer ces véhicules qui, en ceinturant le terrain, servaient de mur de clôture. Les déplacements tenaient de l’épopée. Pour se rendre à Castelnaudary, il fallait partir le samedi soir sur Toulouse, changer à Tessonnières. Le retour ne pouvait avoir lieu que le lundi. Qui, de cette époque, n’a en mémoire cette sortie à Réquista sur des camions de l’armée avec roues à caoutchouc plein… »

Au milieu des contraintes, des cartes de rationnement, des suppléments de savons ou des restrictions en tout genre, le sport tente, malgré tout, de maintenir une activité de loisirs, la seule dans ces temps incertains.

Depuis 1940, le docteur Buisson, directeur de l’hôpital psychiatrique est à la tête du club et le reste jusqu’en 1943, date à laquelle il cède la présidence à Lajeunies, un ancien joueur du Stade qui reste en poste jusqu’en 1945.

Les difficultés du quotidien n’incitent guère les spectateurs à venir assister aux matches, ce dont se plaignent les dirigeants du club. La recette des rencontres est pourtant offerte aux soldats sang et or mobilisés. Le Stade Ruthénois continue cependant à jouer. En championnat de promotion d’Honneur d’abord, au sein d’une poule de huit clubs (Colomiers, Labruguière, Castres, Carmaux, R.C. Toulouse, U.S. Aubin et Lacaune). Lors de matches amicaux contre les voisins Cransac, Rieupeyroux, Saint-Affrique, Millau. Lors de la saison 41-42, le Stade Ruthénois fait partie des 20 meilleurs clubs de la Ligue du Midi sur les 400 clubs qu’elle compte.

Saison 1943-1944

Stade Ruthénois. Equipe réserve ou junior. 1943-1944

Le club profite alors de l’arrivée de nouveaux joueurs, issus du 51e R.I. en poste à Rodez : Greux dans les buts, Van Mérague (ex-joueur du Havre), Tortorello (ex-Toulon), Roemes. A leurs côtés, Garcia, Rouher, Roques, Donadille, Arnaldo, Jean Vernhes, Raynal, Dellus, Mouysset, Déléris et Cosson. Les soldats démobilisés retrouvent aussi leur place.

En 1943, après une brillante saison, l’équipe du Stade Ruthénois, classée première de sa poule, échoue seulement en finale, devant Salies-du-Salat, sur le score de 2 à 1. La formation alignée se compose de Gardes, Ohlmann, Raynal, Arnaldo, Latour, Massol, Géraldini, Roques, Jean-Marie Cransac, Jean Vernhes, Alméras.

0 réponses

Laisser un commentaire

Rejoindre la discussion?
N’hésitez pas à contribuer !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.