Trois lois fondamentales fixent les règles de l’enseignement en France au XIXe siècle.

La loi Guizot du 28 juin 1833 exige de chaque commune de plus de 6000 habitants ou de communes réunies « qu’elle entretienne au moins une école primaire élémentaire dans les six ans ». Qu’elle soit « propriétaire d’un local d’école, de loger et d’entretenir un ou plusieurs instituteurs ; d’instruire tous les enfants en échange d’une rétribution mensuelle des familles », l’instruction étant gratuite pour les enfants de familles pauvres. « Chaque département sera tenu d’entretenir une Ecole normale primaire, soit par lui-même, soit en se réunissant avec un ou plusieurs départements voisins. L’instruction primaire élémentaire comprend nécessairement l’instruction morale et religieuse, la lecture, l’écriture, les éléments de la langue française et du calcul, le système légal des poids et mesures. » Liberté est donc accordée aux congrégations religieuses de continuer à enseigner. Toutefois, l’enseignement religieux est laissé au libre-arbitre du père de famille. D’autre part, cette loi ne concerne que les garçons et n’évoque pas la création d’Ecole normale pour les filles.

 

La pension Palous

A Rodez, la ville fournit un local de la mairie en 1834 pour créer une école dirigée par Palous, ce dernier s’émancipant plus tard pour créer une école libre, boulevard Sainte-Catherine, laquelle accueillera près de 2000 élèves jusqu’en 1876 dont le poète François Fabié : « Il y avait, à l’institution Palous, qui tenait son nom du directeur, trois classes. Faisaient partie de la première, ceux qui, à brève échéance, allaient affronter des examens ou des concours, les aspirants instituteurs, rats de cave, employés des Ponts-et Chaussées ou des Postes, etc… Comme tous les professeurs d’enseignement primaire de son temps, M. Virevaque enseignait dans sa classe à peu près tout ce que l’on enseignait alors : français, arithmétique, écriture, histoire et géographie… Quand il s’agissait de calcul, il lui arrivait assez souvent de se donner et de nous donner la comédie. Il envoyait au tableau noir quelque cancre avéré et quelques gros garçons vigoureux et abruti, cuirassé contre les raisonnements les plus simples et les plus lumineux. »

 

L’école normale des garçons

A Rodez, l’école normale des garçons voit le jour le 22 juin 1835. Sa création résulte d’une gestation de deux années à partir du moment où le préfet de l’Aveyron, s’appuyant sur la loi Guizot, propose au Conseil général de l’Aveyron la construction d’une école normale pour le département. En réalité, l’origine d’un tel projet remonte à la Révolution française. Du latin norma (règle), ces écoles doivent être l’exemple et le type de toutes les autres écoles ouvertes sur le territoire. L’idée émane du savant Lakanal, chargé par la Convention d’un rapport sur la création d’établissements devant « préparer des maîtres instruits et dévoués pour répandre l’instruction dans le peuple ». Les déboires politiques ne lui en laissent pas le temps, et les pouvoirs successifs du Consulat et de l’Empire se gardent bien de favoriser l’éducation populaire. Par ci, par là, des initiatives suppléent bien à la défection gouvernementale mais elles demeurent trop localisées avant que la Monarchie de Juillet, dans son élan libéral, ne favorise l’enseignement.

En Aveyron, les finances dégagées par le ministre de l’Instruction publique, la difficulté réside dans l’acquisition d’un terrain assez vaste pour accueillir un bâtiment important. Un premier projet écarté entre le boulevard Gally et la rue Combarel, le préfet jette son dévolu sur un terrain situé entre le boulevard de la Viarague (bld François-Fabié actuel) et la rue du Monastère (rue Sarrus actuelle). Une partie est occupée par l’ancien cimetière Saint-Amans, désaffecté depuis deux années. Il confronte à sa gauche l’école de Saint-Amans attribuée aux Frères par la municipalité, plus communément appelée « L’Ecole des Frères de la Grille ».

Quand les vingt-cinq premiers normaliens entrent dans les bâtiments tout neufs, ils se composent ainsi : « Au rez-de-chaussée, en rentrant, à gauche, le logement du concierge ; en avançant vers l’arc doubleau, à gauche, la cuisine et le réfectoire donnant sur le boulevard ; à droite, deux salles de classe. On montait au premier étage par un grand escalier double qui finissait aux mansardes. Sur le premier palier, en face, étaient la bibliothèque et la salle de physique, de chimie et d’histoire naturelle ; à droite, la salle de dessin, à gauche, le logement du directeur dépourvu de cuisine (il prendra ses repas au réfectoire commun avec sa famille et avec les professeurs). Aux mansardes se trouvaient les dortoirs, un logement de deux pièces pour l’aumônier et une chambre pour les domestiques. » Des aménagements successifs complètent l’architecture initiale, en fonction de l’augmentation des effectifs.

A lire François Fabié, inscrit à l’Ecole normale de 1865 à1868, la vie d’un normalien ressemble fort à une vie d’ascète, proche de celle qu’il aurait à mener dans sa future école : « Le menu était frugal : une mauvaise soupe au pain et aux légumes, un rata quelconque aux pommes de terre, au riz ou aux haricots, et un maigre dessert ; et la quantité ne compensait pas la qualité. Comme boisson, un litre d’eau rougie pour quatre. Heureusement, le pain était à peu près à discrétion… Et ce fut bien pis -du moins pour moi- les jours maigres. » Pour des estomacs en pleine croissance, ce rationnement ne va pas sans incidents et l’on assiste même à des protestations émises par les élèves. Par la suite, en ajoutant viande et fromage, l’ordinaire du jour s’améliore, évitant de faire de l’abstinence une des règles de vie de l’instituteur.

Le régime intérieur de l’Ecole normale évolue avec le temps et les mentalités. Jusqu’en 1881, le normalien, comme le novice au séminaire, doit accepter un régime de vie spartiate. Lever à cinq heures du matin, prière, silence, vouvoiement de rigueur, uniformes, rares sorties… Pour les élèves indisciplinés ou rétifs à la hiérarchie, une gamme de sanctions est prévue, allant du simple avertissement jusqu’à l’exclusion en passant par des travaux supplémentaires ou la privation de sortie. Par la suite, ce régime monacal s’assouplit et responsabilise les élèves. Liberté de sortir le dimanche et le jeudi sans surveillance ; liberté de pratiquer ou non le culte. Ces progrès dépendent en grande partie du directeur, maître à bord et gardien du « Temple ».

La finalité des trois années d’étude passées à l’Ecole normale à apprendre un enseignement général basé sur le français, les mathématiques, les sciences, l’histoire-géographie sans oublier l’instruction civique, la pédagogie et un zeste d’instruction religieuse tend uniquement vers l’acquisition du brevet de capacité, sésame obligatoire depuis 1881 pour obtenir sa nomination. Epreuve de quatre jours, ô combien redoutée par les candidats, sous le contrôle d’une commission composée de sept membres dont trois font partie de l’Instruction publique. Celle qui se réunit le 1er mars 1880 à Rodez se compose de deux professeurs du lycée, deux inspecteurs primaires, un pasteur, le vicaire général du diocèse et le directeur d’une institution libre.

« 124 candidats étaient inscrits, 118 ont répondu à l’appel de leur nom. Les épreuves commencent par la dictée et se continuent jusqu’à midi par les épreuves d’écriture et de style. A deux heures, la séance est reprise pour l’épreuve de calcul. Pendant la durée des dernières épreuves… sous la surveillance de deux membres de la commission, les autres membres, jusqu’à la fin des épreuves, et puis tous les membres de la commission s’occupent de la correction des copies. Cette opération une fois terminée, la commission élimine 65 candidats pour la dictée, 22 pour la faiblesse de l’ensemble des épreuves écrites et un pour fraude. Elle dresse ensuite par ordre de mérite la liste des 30 candidats admis aux épreuves orales et M. le Président donne publiquement lecture de cette liste. Ces diverses opérations, commencées le 1er mars, se terminent le 2 à six heures. Le lendemain 3 mars, à 8 heures du matin, les épreuves orales commencent… L’examen oral terminé (le lendemain 4 mars à 6 heures) la commission s’occupe des notes obtenues et constate que les épreuves orales n’ont amené aucune élimination. Elle dresse ensuite le tableau des candidats admis. »

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