L’obscure exécution des Romanov

Leur sort provoqua de nombreuses supputations dans l’engrenage d’une Révolution que le tsar Nicolas II ne vit pas venir

En 1918, la situation des bolcheviks est dramatique. Attaqués de l’intérieur par les socialistes-révolutionnaires et la contre-révolution (l’armée blanche), de l’extérieur par les débarquements des Anglais et des Japonais dans plusieurs villes russes, les bolcheviks déclenchent la Terreur rouge. Arrêtée le 22 mars 1917, la famille impériale est ballottée de résidence surveillée en résidence surveillée (Tsarkoïe Selo, Tobolsk, en Sibérie, en août 1917). Elle arrive à Iekaterinbourg, en avril 1918. En juillet, l’étau se resserre autour de la ville, menacée par les légions tchèques qui contrôlent déjà les faubourgs de la ville. Dans la villa Ipatiev, le tsar, la tsarine et ses cinq enfants auxquels s’ajoutent quatre serviteurs sont exécutés dans la nuit du 16 au 17 juillet. Leurs corps seront aussitôt transportés à quelques kilomètres, brûlés à la chaux vive et au vitriol.

Dès lors, une double interrogation se pose : qui a donné l’ordre d’exécution ? Lénine depuis Moscou ou le soviet de la ville ? Tous les membres de la famille ont-ils été exécutés ou bien certains ont-ils été exfiltrés ?

Un premier rapport sur cette exécution fut dressé par le juge d’instruction Sokholov, en 1924. Un rapport largement contesté par la suite par des historiens et des scientifiques mais dont les diverses hypothèses sur la survivance de certains des membres de la famille Romanov sont battus en brèche par les analyses génétiques effectuées après la chute du communisme.

Quant à la villa Ipatiev, lieu de l’exécution, elle fut détruite sur ordre de Boris Eltsine et Youri Andropov en 1977.

Le pouvoir autocratique des Romanov

Durant trois siècles, de 1613 à 1917, les Romanov, allié aux Holstein-Gottorp, régnèrent sur cet immense pays d’une manière autocratique. Nicolas II avait succédé à son père, le tsar Alexandre III, le 1er novembre 1894. Quelques jours plus tard, il épousait Alice de Hesse-Darmstadt, petite-fille de la reine Victoria, lui-même étant cousin par alliance avec l’empereur allemand Guillaume II. L’influence de la tsarine sur son époux atteignit son paroxysme avec l’introduction de Raspoutine dans les arcanes du pouvoir.

Nicolas II : le dernier des tsars

Le début du règne de Nicolas II fut marqué par une bousculade de la foule, venue recueillir les présents impériaux lors des fêtes du couronnement, provoquant la mort de plusieurs personnes. De mauvais augure pour un homme qui n’était pas fait pour régner, à l’image de Louis XVI. Faible et indécis, entouré de réactionnaires, il ne vit pas la nécessité de mettre en place des réformes alors qu’un prolétariat russe, né de la modernisation économique, se mettait en place, fortement influencé par les idées marxistes.

La paix et du pain, ferments de la Révolution de février 1917

L’ambiance défaitiste qui règne dans l’armée russe, le froid de l’hiver 1917 et les rumeurs de rationnement du pain provoquent les premiers troubles à Petrograd où des garnisons se rallient aux insurgés tandis que la famille impériale gagne sa résidence de Crimée. La révolution du pain et de la paix se transforme en révolution politique après l’abdication du tsar et la mise en place d’un gouvernement bourgeois.

 Lénine avait compris la leçon de 1905

La révolution manquée de 1905 ne fut, pour Lénine, qu’une « répétition générale » avant la Grande Révolution d’Octobre 1917 où le soviet de Petrograd, dominé par les bolcheviks, décide de l’insurrection armée. La nouvelle République, formée après l’abdication du tsar Nicolas II, le 15 mars 1917, et composée de libéraux et de mencheviks, s’effondre le 7 novembre sous l’action de la première révolution socialiste au Monde.

 Le docteur Jivago

Production anglo-américaine, « Le Docteur Jivago » sort en 1965, en pleine guerre froide. L’histoire, sentimentale, est tirée du roman de Boris Pasternak, qui reçut à cette occasion le prix Nobel de Littérature en 1958. Un prix qu’il refusera sous la pression des autorités soviétiques qui y voyaient une œuvre contre-révolutionnaire alors que l’auteur ne désirait mettre en avant qu’une histoire d’amour sur fond de guerre civile. « Le Docteur Jivago » devra attendre 1994 pour être diffusé en Russie.

La controverse Anastasia

À l’image de la polémique qui suivit la disparition du fils de Louis XVI, durant la Révolution, celle de la plus jeune fille du tsar, Anastasia, souleva bien des débats durant tout le XXe siècle, apportant son lot d’usurpatrices comme la Polonaise Anna Anderson qui prétendit jusqu’à sa mort, en 1984, être la seule survivante du massacre d’Iekaterinbourg. Des allégations qui ne survécurent pas aux résultats ADN, bien que toujours contestés.

Le tsarisme serait-il soluble dans Poutine ?

Avec le retour à l’ordre, des médias muselés, des prises de position qui font hurler la démocratie, un culte de la personnalité qu’il s’amuse à refuser, Poutine a réussi le savant dosage entre une Russie encore nostalgique du communisme, une Russie qui s’est offerte au capitalisme et l’ancestrale Russie des tsars à laquelle est encore très attachée la religion orthodoxe. Nouvel autocrate, sans couronne, vers quel destin mènera-t-il la Russie ?

Raspoutine. « Messager de Dieu » ou « mauvais ange » ?

Une date de naissance incertaine (entre 1863 et 1872) à Prokrovskoie (Sibérie), de son vrai nom Grigori Iefimovitch, Raspoutine, dont les dons de voyance sont apparus très jeune, est influencé par des moines flagellants du couvent de Verkhotourié après s’être rendu au mont Athos, sur la côte grecque, guidé par une vision. Sa vie s’entoure déjà d’un voile de mystères quand il apparaît pour la première fois à Saint-Petersbourg, en 1903.

Raspoutine le thaumaturge

Illettré mais exerçant une certaine fascination auprès des femmes, avec un regard qui semble fouiller les âmes, Raspoutine parvient à pénétrer les cercles mondains proches de la famille impériale en se faisant passer pour un moine thaumaturge. Deux ans après son arrivée, il est introduit auprès de la tsarine, vivement impressionnée par le charisme de cet homme, en dépit de sa mise peu soignée dégageant une forte odeur de bouc.

Les guérisons du tsarévitch

L’héritier du trône, le tsarévitch Alexis, est atteint d’une grave maladie, l’hémophilie, qui risque de l’emporter au moindre saignement. À plusieurs reprises, Raspoutine réussit à arrêter les saignements et à atténuer les souffrances du jeune garçon, par la prière et l’imposition des mains. Le moujik devient dès lors le protégé de la tsarine, « le Messager de Dieu ».

Raspoutine le débauché

De son mariage avec une jeune paysanne en 1888 qui lui donnera cinq enfants, en passant par son séjour chez des moines qui allient érotisme et religion pour trouver l’extase et jusque dans les milieux mondains où ses frasques amoureuses font jaser, Raspoutine est très attiré par les femmes, sur lesquelles il exerce un charme hypnotique. Une réputation de débauché dont les aristocrates russes vont profiter pour le dénigrer. Lui estime que pour se repentir, l’homme doit d’abord pécher.

Une tsarine sous influence

L’emprise que Raspoutine exerce sur la tsarine et sur sa fille Anastasia rejaillit dans la vie politique du pays, déjà soumis à une forte contestation et à une guerre qui n’en finit pas de durer. En 1911, il se prononce contre la guerre dans l’affaire des Balkans. L’année suivante, il est écarté de la Cour et exilé à Kiev. Pour peu de temps car l’année suivante, il est appelé au chevet du tsarévitch. Raspoutine, qui a placé ses partisans au plus haut sommet de l’Eglise, devient alors incontournable, au grand désappointement de la noblesse russe qui voit en lui « un mauvais ange ».

Tragique fin d’un homme exécré

Une vie de débauche, une rumeur comme quoi il serait un espion de l’Allemagne et son influence néfaste sur la tsarine suffisent à organiser plusieurs complots visant à l’éliminer. Dans la nuit du 16 au 17 décembre 1916, Raspoutine est attiré chez le prince Ioussoupov, empoisonné puis achevé de quatre coups de revolver avant que son corps ne soit jeté dans les eaux gelées de la Neva. Le 22 mars 1917, son corps est brûlé sur ordre du gouvernement révolutionnaire. De nombreuses légendes autour de Raspoutine entretiennent un mythe toujours vivace en Russie.

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