Nicolas Flamel et la pierre philosophale

« Le vrai trésor de l’homme est la verte jeunesse.

Le reste de nos ans ne sont que des hivers. »

Pierre de Ronsard

Il aurait trouvé le vieux rêve de l’homme : transformer les métaux en or ! Mais Nicolas Flamel a emporté avec lui son secret ! Sans que ne cesse la quête de la pierre philosophale !

Considérée comme « une fausse science » par les scientifiques du XIXe siècle, l’alchimie obéit à la volonté de l’homme de découvrir l’élixir de la jeunesse éternelle (le liquide) et de transformer les métaux en or (le solide) grâce à la pierre philosophale. Vieux rêve de l’homme qui est celui de « maîtriser et de transformer la matière », finalement appliqué en  France au XXe siècle par les savants travaillant sur le nucléaire et les accélérateurs de particules.

D’étranges cabinets

Au XIIe siècle, les échanges culturels entre chrétiens d’Occident et musulmans sont nombreux, les premiers empruntant au monde arabe leurs connaissances dans des domaines aussi variés que la médecine, l’astronomie, les mathématiques et l’alchimie dont le savoir leur a été transmis depuis l’Antiquité.

Les siècles suivants, cet héritage de savoirs connaît un véritablement engouement en Europe. D’étranges laboratoires se créent dans des arrières boutiques ou au sein de certains châteaux comme à Terre-Neuve en Vendée, à Dampierre-sur-Boutonne ou à Cénevières dans le Lot qui présente encore un cabinet d’alchimie. Dans ces lieux clandestins, utilisant des grimoires, des textes souvent cryptés et réservés aux initiés, ainsi que divers ustensiles mystérieux (cornues, creusets, four…), d’étranges personnages que l’imagination populaire apparente à des magiciens ou à des sorciers s’initient aux lois et aux principes alchimiques grâce auxquels ils parviendront à la réalisation du Grand Oeuvre.

Si la plupart des recherches n’aboutirent pas, la Science doit quand même à l’alchimie de notables avancées. Ainsi, c’est en travaillant à la distillation que Raymond Lulle, au XIVe siècle, découvre l’acide nitrique et l’acétone et Paracelse, l’homéopathie.

 La grande transmutation

Cette quête, Nicolas Flamel y consacrera aussi toute sa vie. Né vers 1330 de parents d’origine modeste, il acquiert les principaux rudiments de l’instruction (lire et écrire le français et le latin),  qui lui permettent de s’installer comme écrivain public avant d’acheter une charge de libraire et d’écrivain-juré, fort lucrative en un temps où l’imprimerie n’existe pas encore et où l’analphabétisme touche la plus grande partie de la population, toutes classes sociales confondues.

Sa passion pour l’alchimie commence par un songe : un ange lui serait apparu, portant dans ses mains un ouvrage extraordinaire, renfermant un secret prodigieux qu’il n’eut pas le temps de relever. Sauf que quelque temps plus tard, en 1357, un homme se présente dans sa librairie, porteur d’un volume relié en cuir, intitulé « Le Livre d’Abraham le Juif », similaire à celui entrevu, qu’il se dépêche d’acheter pour deux florins.

Débute alors pour Nicolas Flamel et son épouse Pernelle, un long travail de décryptage de  textes hermétiques contenus dans vingt-et-un feuillets. Durant vingt ans, ni l’un ni l’autre, en dépit d’un travail acharné qu’ils concilient avec la tenue de leur boutique, n’arriveront à déchiffrer le contenu.

En 1378, le destin, qui n’a pas été avare avec Nicolas Flamel depuis sa naissance, met sur sa route qui le mène à Saint-Jacques-de-Compostelle, haut-lieu du pèlerinage chrétien, un vieux juif converti, maître Canches, auquel il confie une copie de quelques passages du manuscrit. Interpellé, le vieux docteur s’enthousiasme à sa lecture, y voyant un livre consacré à la kabbale Aussi accepte-t-il d’accompagner les époux Flamel jusqu’à Paris où il aura tout loisir de le décrypter. Nicolas Flamel pense enfin toucher au but suprême de sa vie mais, aux environs d’Orléans, le vieux maître décède, ne laissant à son élève que des clefs d’interprétation du texte. Suffisantes toutefois pour permettre à l’alchimiste de progresser et de tenter diverses expériences. Quatre années supplémentaires lui seront encore nécessaires pour parvenir, le 17 janvier 1382, à transmuter le mercure en argent : « La première fois que je fis la projection, ce fust sur du mercure, dont j’en convertis demy-livre ou environ en pur argent, meilleur que celuy de la minière, comme j’ay essayé et faict plusieurs fois. »

Trois mois plus tard, le 25 avril, à 5 heures du soir, il découvre la pierre philosophale : « Je fis la projection avec de la pierre rouge sur semblable quantité de mercure, en présence encore de Pernelle seule, en la même maison… que je transmuay véritablement en quasi autant de pur or, meilleur très certainement que l’or commun plus doux et plus ployable… »

 Le mystère de sa fortune

Nicolas Flamel est parvenu à ses fins mais il ne laissera rien sur sa méthode de fabrication, ouvrant la porte à toutes les supputations. A-t-il véritablement trouvé la pierre philosophale ou bien n’est-il qu’un affabulateur ? Une seule chose est sûre : le libraire, au début du XVe siècle, est devenu un personnage très riche, qui n’hésite pas à œuvrer pour financer les associations charitables et construire hôpitaux et chapelles, laissant prise à la rumeur populaire sur sa fortune en dépit que l’homme soit toujours resté discret dans sa vie quotidienne. Insuffisamment toutefois, pour éviter qu’après sa mort, intervenue le 22 mars 1417, sa maison et sa tombe ne soient pillées par tous ceux qui croyaient y trouver la fameuse pierre.

Aujourd’hui encore, le 51, rue de Montmorency reste un des hauts-lieux de l’ésotérisme parisien. Une plaque rappelle le souvenir de cet homme et de son épouse qui se consacrèrent à l’accueil des pauvres et des souffrants. Peut-être fusse là le Grand Oeuvre de l’Homme de se consacrer à son prochain !

Controverse autour de la plus vieille maison parisienne

Où l’on retrouve Nicolas Flamel qui, le 25 avril 1382, découvre les secrets de la pierre philosophale, seule capable de transformer les métaux vils en or fin. Ce même Flamel que l’on croise dans les « Aventures d’Harry Potter » en compagnie de l’inquiétant Dumbledore, directeur de l’école de sorcellerie Poudlard. Flamel, donc, fit construire en 1407 une maison rue de Montmorency, dans le quartier du Marais où il logeait gratuitement les miséreux et les malades sous réserve que ces pauvres gens récitent quotidiennement un Pater Noster et un Ave Maria pour les trépassés. Cette riche demeure fut surnommée « le Grand Pignon » tellement ses deux étages dominaient fièrement les maisons voisines. La partie la plus originale réside dans la façade ornée de beaux médaillons, de bas-reliefs sculptés, façade admirablement mise en valeur par une restauration réussie datant de 2007, six cents ans après sa construction. Certains guides assurent que la maison de Nicolas Flamel présente le double intérêt d’être la plus mystérieuse de Paris, puisqu’elle abriterait toujours les secrets de la pierre philosophale, et  la plus ancienne de la capitale.

Version controversée par Jacques Hillairet qui écrit dans son « Dictionnaire des rues de Paris » que la plus ancienne maison est située au 3, rue Volta, à un quart d’heure de marche de la maison Flamel. Cette construction de pierres et de poutres était la maison du bailli, une des plus belles du bourg de Saint-Martin-des-Champs, érigée sur quatre étages en 1292 ! Au Moyen Âge, ce quartier faisait figure de banlieue d’un petit Paris emprisonné par les fortifications de Philippe-Auguste, et évidemment la rue ne s’appelait pas encore rue Volta mais rue Frépillon.

Plus récemment, d’autres historiens ont affirmé que l’immeuble de la rue Volta daterait de 1644, ce qui redonnerait le titre de la maison la plus ancienne de Paris à celle du célèbre alchimiste.

Et si le véritable objectif du « Grand Œuvre », et si la « Chose Unique » loin d’être la transformation du plomb en or résidait tout simplement dans la capacité à écouter les vieilles pierres chargées de mémoire, qu’elles se situent rue Volta ou rue de Montmorency ? La connaissance nous donnerait alors peut-être accès à la Sagesse.

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