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Ravaillac. La vision divine d’un écorché vif

Fanatique isolé ou main assassine d’un vaste complot, Ravaillac suscite toujours une vive polémique parmi les historiens. Décryptage du régicide le plus célèbre de l’histoire de France.

A Paris, rue de la Ferronnerie, dans le Ier arrondissement, une plaque commémorative rappelle encore « l’inhumain régicide par lui commis en la personne du Roi Henri quatrième » ainsi que le stipule l’ordonnance d’exécution signée par le président du Parlement de Paris, Achille Ier de Harlay.

On laisse imaginer l’effroi que dût susciter la peine dans l’esprit de Ravaillac à l’énoncé de la sentence : « [le corps] sera tenaillé aux mamelles, bras, cuisses et gras des jambes, sa main droite, qui tenait le couteau avec lequel il a commis ledit régicide, sera brûlée de feu de soufre, et sur les endroits tenaillés, il sera jeté du plomb fondu, de l’huile bouillante, de la poix, de la résine brûlante, de la cire et soufre fondus ensemble. Ensuite, son corps sera tiré et écartelé par quatre chevaux. Les membres de son corps seront consumés au feu, réduits en cendres et jetés au vent. »

Ainsi fut fait pour faire passer Ravaillac de vie à trépas. Encore, du fait d’une robuste constitution, résista-t-il aux supplices du bourreau Jean Guillaume qui s’y reprit à plusieurs reprises pour exécuter ses hautes œuvres. Quant au peuple, il ne put résister à apporter son horrible caution en se disputant les morceaux éparpillés, certains ayant même mordu dans la chair calcinée par vengeance et haine.

 Une éducation terriblement rigide

Nous sommes le 27 mai 1610. François Ravaillac est âgé de 33 ans quand il succombe. Quelle(s) raison(s) a poussé ce fervent catholique de la petite bourgeoisie de robe angoumoisine à venir dans la capitale trucider le bon roi Henri ? Un bon avocat aurait pu plaider les circonstances atténuantes, compte-tenu d’un passé douloureux : un père ivrogne qui dilapide les biens familiaux ; un frère unique tout aussi violent que son père ; deux tentatives avortées d’entrer dans les ordres. François Ravaillac est hanté par des visions qui ne plaisent guère aux Feuillants et aux Jésuites.

Ses troubles psychologiques, sans doute dus en grande partie à l’éducation religieuse de deux oncles chanoines qui lui ont inculqué la haine des Huguenots, finissent par le convaincre d’assassiner le Roi, considéré malgré sa conversion au catholicisme comme un allié des protestants. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir tenté de rencontrer le souverain les mois précédents pour lui exprimer sa vision divine et son désaccord concernant la guerre que doit mener la France contre les Pays-Bas espagnols afin de porter secours à l’Allemagne. Des catholiques qui font la guerre à d’autres catholiques au profit de protestants ! Impensable pour Ravaillac ! Le tyran, sourd à ses appels, doit disparaître avant de prendre la tête de ses troupes, le 19 mai.

Cinq jours plus tôt, l’illuminé d’Angoulême a sauté sur l’essieu du carrosse, stoppé par une charrette de foin. A trois reprises, il enfonce un long couteau de cuisine à double tranchant dans le poitrail du « Vert Galant » au panache blanc. Henri IV ne mettra plus la poule au pot ! Le roi est mort ! Vive le Roi ! En l’occurrence, son fils aîné Louis XIII bien trop jeune pour gouverner et suppléer par sa mère, Marie de Médicis.

Reste désormais à savoir si Ravaillac a agi seul ou s’il n’est que le bras armé d’un vaste complot ourdi par les papistes ?

 Ravaillac reste muet !

Sous la torture ou durant son procès, Ravaillac ne pipe mot d’une éventuelle complicité. A peine, entre deux questions, susurre-t-il : « On m’a bien trompé quand on m’a voulu persuadé que le coup que je ferais serait bien reçu du peuple. » Suggère-t-il alors que des personnages haut-placés ont armé sa main ?

Un fait étrange était survenu un an auparavant quand la dame de compagnie de la marquise de Verneuil, Jacqueline d’Escoman, déclara qu’un complot était préparé contre le roi. Personne ne la crût ! Pire encore, elle sera emprisonnée à la Conciergerie et réduite au silence jusqu’en 1611. Dans sa déclaration, elle avait cité le nom du duc d’Epernon. Sauf que le duc n’est pas n’importe qui ! Fervent catholique, on le surnomme le demi-roi. A l’heure du crime, il se trouve dans le carrosse aux côtés d’Henri IV. Et c’est lui qui ordonne aux soldats de laisser la vie sauve à Ravaillac. Un ordre étrange car réduire le régicide au silence aurait empêché tout procès.

La têtue Jacqueline d’Escoman, dès sa sortie de prison, renouvèlera ses propos. Retour en prison mais cette fois à perpétuité !

Ravaillac a-t-il été manipulé ou a-t-il agi seul ? Les archives ne permettent pas de pencher dans un sens ou dans l’autre. Pour Voltaire, la main assassine de Ravaillac n’est que la conséquence « de la superstition et de la fureur… Tout encourageait à la démence, tout consacrait le parricide… » Michelet y voit pour sa part l’instrumentalisation de Ravaillac par le duc d’Epernon et la comtesse de Verneuil, avec l’accord tacite de la reine Marie de Médicis et de Philippe III d’Espagne pour affirmer la puissance catholique en France. Un débat qui se prolonge encore de nos jours entre historiens. Quand Jean-Christian Petitfils (L’assassinat d’Henri IV, Mystère d’un crime, 2009) laisse entendre que Ravaillac aurait été manipulé par l’archiduc des Pays-Bas Albert de Habsbourg, Francis Pernot (Qui a vraiment tué Henri IV ? 2010) se réfugie dans les faits historiques pour réfuter toute thèse de complot comme si chaque affaire devait engendrer un doute et donc des interrogations.

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