Théoricien et visionnaire. Ferdinand Ferber

Il y a foule, ce 22 septembre 1909, à Beuvrequen, près de Boulogne-sur-Mer. Toute la matinée, le public a convergé vers le champ où doit se dérouler le meeting d’aviation, en présence du capitaine Ferdinand Ferber, un as de l’aviation. Toutes les conditions sont réunies. Le temps est sec. Le vent faible. A peine les pluies des jours précédents ont tracé quelques rigoles sur la piste d’envol. Pas de quoi décourager le pilote chevronné qu’est devenu en quelques années Ferdinand Ferber. Son biplan Voisin décolle sans problème sous les « hourra » de la foule. L’avion parcourt un kilomètre avant de virer à gauche et de revenir vers son point de départ. Le public applaudit avant de retenir son souffle. Car le biplan vient de s’incliner brusquement sur la gauche. « Les roues, écrit le journaliste du Temps, prirent contact avec le sol, mais elles vinrent bientôt se caler brusquement dans une petite rigole servant à l’écoulement des eaux, qu’elles abordèrent de biais. Sous la violence du choc, le stabilisateur cellulaire d’arrière du biplan se cabra et l’appareil fit un panache complet. Ferber, projeté à terre, reçut sur l’abdomen les longerons supportant le poids du moteur… »

Ferdinand Ferber est pourtant loin d’être un casse-cou. Issu de polytechnique, il a rejoint l’armée, accédé au rang de capitaine avant d’enseigner à l’Ecole d’application de l’artillerie et du génie puis d’être détaché à l’Aérostation militaire. Sa passion pour l’aviation remonte à 1891 quand l’Allemand Lilienthal réussit l’exploit de voler sur quinze mètres. « Ce jour-là, écrit Ferber, a été considéré par moi comme celui à partir duquel les hommes pouvaient voler. »

Dès lors, il n’a de cesse d’étudier le vol mécanique mais aussi de l’expérimenter : « Il résultait des expériences, écrit-il, que la conception d’un aéroplane ne signifiait pas grand-chose, que sa construction valait déjà mieux… mais que tout cela enfin n’était rien si l’on ne possédait pas le moyen d’expérimenter et de recommencer l’expérience. » Peu importe donc si la réussite de ses premiers vols n’est pas toujours au rendez-vous. Ferber persévère et en 1902, sur son cinquième appareil, il parvient à Beuil (Alpes-Maritimes) à parcourir 25 mètres puis 50 mètres. Pour aller plus loin, il fait alors construire à Nice un manège qu’il dénomme « aérodrome », sorte de grande tyrolienne chargée de lancer son planeur à plus grande vitesse. Mais son grand succès, il le connaît à Chalais-Meudon où il accomplit sur son aéroplane N°6 le premier vol motorisé en France. Il écrira plus tard : « Je crois au moteur à réaction, l’homme sera enfermé dans une enceinte, dans un projectile où il trouvera un air respirable. Il dira plus tard que « les surhommes du futur, mille fois plus puissants, abandonneront un jour, sur des plus lourds que l’air, notre planète inhospitalière pour d’autres mondes ».

Visionnaire Ferdinand Ferber ! Car à l’époque, l’aviation ne fait pas recette auprès des scientifiques. Ce qui leur vaut une critique acerbe de l’aviateur, parue en 1908 dans son ouvrage L’aviation : ses débuts : son développement : de crête à crête, de ville à ville, de continent à continent : « Quel était le bilan de l’aviation à la fin du siècle dernier ? – Exactement ceci : du milieu de la foule sceptique et même hostile, qui traitait l’aviation de folle utopie, émergeait de tout temps une poignée d’individus outrageusement résolus qui affirmaient, contre le veto de tous les savants officiels du monde, la possibilité du vol mécanique, ce rêve qui hantait l’humanité depuis qu’il y avait des yeux pour voir les ébats des oiseaux dans le ciel.

« Le reste du monde savant, qui influençait si fâcheusement la foule ignorante, tenait à une loi, due à Newton, radicalement fausse et que personne, par respect ou par paresse, ne s’était avisé de contrôler par l’expérience…

« Heureusement les oiseaux volaient et c’était pour cette poignée d’irréductibles une raison suffisante pour travailler toujours. Sans doute, parmi ceux-là se trouvaient beaucoup de rêveurs ou d’hommes trop peu préparés scientifiquement… »

Le capitaine Ferber n’épargne pas non plus l’armée qui ne comprend pas encore le rôle stratégique que pourra jouer l’aviation militaire en cas de conflit. A l’image du maréchal Foch affirmant toujours en 1914 que « l’aviation, c’est du sport. Pour l’armée, c’est zéro. » Ferber finira d’ailleurs par quitter la Grande Muette pour entrer dans les usines de Léon Levavasseur, construire ses propres avions et surtout expérimenter. Jusqu’au drame du 22 septembre quand il avoue dans un dernier souffle : « C’est bête… C’est bête… de tomber ainsi, de briser son appareil. »

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