VIII- 1981-1993. Le Stade Ruthénois touche le fond avant de tutoyer l’élite (III)
4- Le Graal enfin !
C’est toutefois mettre la charrue avant les bœufs. Le club doit à l’évidence se stabiliser, affiner ses structures, souffler un peu, avant d’accomplir le grand saut si l’occasion se présente.
Avec un centre de formation performant et quelques recrues de poids, le Stade ruthénois commence par digérer son évolution pendant les quatre saisons suivantes, avant d’accéder presque naturellement à la deuxième division en 1988. Malheureusement, le club ne réussit pas à se maintenir. Pourtant, les structures sont là, le public aussi, et l’année suivante le Stade ruthénois rebondit en s’offrant une nouvelle accession.
De Bordeaux à Strasbourg, de Bastia à Sedan, le Stade Rodez Football, sous la présidence de Jacques Larqué, fréquente de 1990 à 1993 le monde des clubs professionnels. Avec sa « yougo connection » (Dostanic, Kristic, Omerhodzic et Nenezic), tout rigole pour cette équipe qui fait rêver un département acquis à sa cause. La fièvre du samedi soir s’empare à chaque match de Paul-Lignon. Dans les fumées de merguez et de chipolatas, le peuple du ballon rond fait la queue aux guichets plusieurs heures avant le coup d’envoi, pressé de communier avec son équipe et d’assister à des matchs de haut niveau.
Une équipe qui, pour sa seconde accession, ne s’en laisse pas conter. Les joueurs tutoient même un instant les premières places. Certains parlent déjà de première division. Mais, si Freud a raison de dire que le rêve est une nécessité, il peut aussi tourner les têtes ! Car la mariée est peut-être trop belle !
5- Rodez fait déborder la Coupe
Si on aborde tous les matchs comme ça, on peut aller loin…, affirme le capitaine Ratko Dostanic au soir du 20 janvier 1991, alors que les Ruthénois viennent d’éliminer à l’extérieur l’équipe de troisième division de Castets. Le Yougoslave ne croit pas si bien dire, surtout si l’on songe aux éliminatoires sans gloire des deux saisons précédentes.
Au tour suivant, les Ruthénois enfilent le bleu de chauffe pour défier le divisionnaire Saint-Gaudens sur son herbe. Un but de Pradier suffit aux Ruthénois, tout heureux de s’en tirer à si bon compte après avoir pris le match à l’envers. Mais n’est-ce pas justement dans ce genre de match piège que se forge le moral d’une équipe ?
Jamais deux sans trois ! En trente-deuxième de finale, le Stade est encore appelé à l’extérieur, à Istres cette fois, un des gros bras de la deuxième division ! Dirigeants et supporters font la moue. Restent les joueurs, les seuls à détenir la vérité du terrain. Transcendés par leur succès à Bastia et face à leur ancien coéquipier Frédéric Hantz, les Ruthénois laissent leur stress au vestiaire et, après un combat acharné, s’offrent par Vinuesa un nouvel exploit.
En seizième de finale, le Stade reçoit enfin. Mais quel club ! Le F.C. Metz en personne, cinquième du championnat de première division, avec ses vedettes Asanavic, Calderaro, Cartier… Une équipe solide qui n’a pas pour habitude de s’en laisser conter, mais qui ce jour-là tombe sur un Rodez sublimé par 8000 spectateurs serrés comme des brioches. Peu importe le flacon, pourvu qu’on est l’ivresse ! Dans un stade soûlé de suspens et de rebondissements, les Ruthénois reviennent d’abord au score par Kristic (59e minute), avant de porter le coup fatal lors de la terrible épreuve des tirs au but. Un pied qui ne tremble pas d’un côté, un autre qui expédie le ballon au-dessus de la cage, et Rodez s’envole pour la première fois de son histoire vers les huitièmes de finale.
Pas vraiment veinards, les Ruthénois doivent encore se rendre chez un club de deuxième division, Annecy, où le Stade n’a jamais pu s’imposer. Qu’à cela ne tienne ! L’ordre de mobilisation générale est lancé. Au parc des sports d’Annecy, 1500 Aveyronnais soutiennent de la voix et du geste des Ruthénois barbus en diable qui vont, tels des morts de faim, ne faire qu’une bouchée d’Annecy, 2 à 0, grâce à Pasturel (39e minute) et à Kristic (87e minute).
Quart de finale : une équipe sochalienne crie haut et fort qu’elle n’a déplacé que son équipe réserve pour sauver plus tard sa peau en championnat, mais qui aligne tout de même Tihy, Sylvestre, Prat, Cavéglia et Madar. Excusez du peu ! Des joueurs stadistes qui se prennent à rêver de devenir les petits princes du Parc. Un stade Paul-Lignon qui n’a jamais été aussi beau, aussi chaud, aussi plein (12000 spectateurs), aussi confiant envers une équipe qui fait déborder la coupe à force de répéter les exploits. Voilà bien de quoi donner des envies à des sang et or prompts à sauter sur tout ce qui bouge et à dompter des lionceaux n’ayant plus que les yeux pour pleurer en quittant l’enceinte ruthénoise.
En demi-finale, Rodez tire le gros lot, le mythe du football de l’époque : « l’ohème ». Papin, Waddle, Pelé et Mozer contre les Aveyronnais Bobek, Pasturel, Geniez et Guitard. Qui l’eût cru ? Rodez déserté, Rodez devant sa télévision, Rodez au vélodrome avec des milliers d’Aveyronnais, retient son souffle l’espace d’une paire d’heures.
Mais le morceau est de taille, trop grand, trop fort, trop rapide, trop beau. Finir au vélodrome de Marseille, n’est-ce pas aussi extraordinaire que de perdre en finale au parc des Princes ? Devant 35000 spectateurs, Marseille ne tremble pas et règle la question en trois coups de godasse, façon Jean-Pierre Papin. On pourra toujours se dire que Rodez a fait match nul en deuxième mi-temps, le héros Pradier ayant répondu à Vercruysse. Mais Dieu que la fête a été belle !
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