1887. La population de l’Aveyron atteint son maximum

   “Volem Viure al païs” ! Ce slogan, en vogue dans les années 1970, n’a pas survécu à la restructuration du tissu économique, à l’exode rural et à la crise. En cent ans, le département a perdu 121 000 habitants, plus du quart de sa population. Mais les dernières statistiques montrent un léger inversement de la tendance.

Plusieurs études, d’ordre général ou monographique, permettent aujourd’hui de mieux cerner les contours de la démographie rouergate. Sous l’Ancien Régime, les courbes paroissiales se caractérisent par une succession de crises dont la courroie d’entraînement est le taux de mortalité. Il suffit d’une brusque flambée des prix du blé, le plus souvent en réaction à des catastrophes climatiques (gelées, sécheresse) pour qu’une grande majorité d’habitants vivant au seuil de pauvreté soit menacée. De la même manière, les épidémies contribuent à l’augmentation du taux de mortalité. Elles se déclarent souvent au plus fort de la crise céréalière et finissent par emporter ceux qui tentent de survivre.

Une démographie de subsistance

Globalement, ces éruptions soudaines obéissent à un triple mouvement : tandis que la courbe des décès s’élève rapidement, celle des mariages s’effondre alors que les naissances se stabilisent. Ces crises cycliques mettent donc en péril le précaire équilibre démographique et social de la paroisse, ne permettant qu’un renouvellement partiel des générations.

Si la population aveyronnaise stagne jusqu’au début du XIXème siècle, un frémissement démographique se manifeste pourtant dès le XVIIIème siècle. Les crises aiguës n’apparaissent plus aussi régulièrement tous les dix ans. Les grandes épidémies et les famines s’espacent de plus en plus, malgré les années noires de 1769 à 1771 et de 1788 à 1789. La courbe des naissances s’écarte de la courbe des décès, annonciatrice de la révolution démographique du XIXème siècle.

Comparée à l’échelle nationale, la situation du nouveau département de l’Aveyron évolue moins rapidement qu’ailleurs. La population, estimée à 326 340 habitants en 1800, atteint les 359 056 habitants en 1831. Les Aveyronnais continuent de payer un lourd tribut à la mort, du fait de la persistance de la pauvreté dans les campagnes. Si la peste a disparu, les maladies microbiennes et autres poussées épidémiques font toujours des ravages parmi les enfants et les vieillards. Les crises agricoles persistent encore à l’état endémique, accentuant la croissance du taux de mortalité, qui avoisine les 25 pour mille dans les années 1820. A cet égard, l’état sanitaire du département laisse fortement à désirer et n’a guère évolué depuis le siècle dernier. Le croup, la petite vérole, le choléra et la typhoïde s’abattent sur des populations affaiblies par la malnutrition et les conditions de travail difficile.

 L’embellie

De ce sombre tableau ressort cependant, en l’espace d’un demi-siècle, un réservoir d’hommes, démontrant que la natalité a enfin triomphé de la mortalité. La démographie de subsistance est belle et bien terminée. L’Aveyron entre dans une nouvelle phase de prospérité démographique, qui lui permettra d’atteindre son apogée en 1886, avec une population forte de 426 000 habitants. Une progression de 67 000 personnes, comparée au chiffre de 1831 (359 056 habitants). Cependant, l’embellie sera de courte durée. Cette rapide augmentation se traduit aussi dans les faits par une profonde mutation de la société aveyronnaise. Les campagnes ne peuvent plus absorber le trop-plein de population, qui se traduit par un exode rural d’abord vers les villes du département, ensuite, par vagues successives, en dehors du département, vers la capitale, la région toulousaine et, plus loin encore, vers l’Argentine. Un exode qui vide les campagnes de son sang générateur, assurant la vitalité du département. Dès 1891, la population est déjà retombée à 400 467 habitants. Les départs s’amplifieront jusqu’à la Grande Guerre. En 1911, l’Aveyron est retombé à 369 448 habitants. Les conséquences sur la vie sociale sont déterminantes. L’exode rural provoque l’éclatement de la cellule familiale, base même de la stabilité aveyronnaise. Le « cap d’oustal » y perd de son autorité. Ceci dit, l’Aveyron s’ouvre à de nouveaux horizons et regarde désormais plus loin que les monts d’Aubrac. Si le chemin de fer et l’amélioration des voies de communication alimentent les migrations, ils contribuent aussi à apporter la modernisation dans les campagnes.

Capital humain et cadre de vie

Déjà saignées à blanc par un exode ininterrompu, les campagnes aveyronnaises sont touchées de plein fouet par la Grande Guerre et son cortège de victimes. Les monuments aux morts, symbole de cette boucherie humaine organisée, rappellent aujourd’hui, dans chaque village, la part que l’Aveyron a laissée dans les tranchées du Nord et de l’Est. Un peu moins de 15 000 morts dont 9217 agriculteurs. Parmi les victimes, les classes jeunes représentent le plus fort contingent. 9672 tués étaient âgés de 20 à 35 ans, l’âge où l’on fonde un foyer, où l’on fait des enfants, où l’on assure le renouvellement des générations.

Bien des hameaux et des villages ne se relevèrent pas de cette catastrophe humaine. L’entre-deux-guerres sera marqué par une accélération des départs. Les jeunes s’en vont ; les veuves vendent, peu à peu, tout ou partie du patrimoine foncier patiemment accumulé par les précédentes générations. De 1911 à 1975, l’Aveyron perd 91 142 habitants. Les géographes peuvent alors parler de « désertification des campagnes ». Hameaux et lieux-dits sont abandonnés pour ne revivre qu’en période estivale. Le réservoir d’hommes s’est épuisé, laissant une majorité de personnes âgées dans les rues des villages. Seul élément démographique positif : la vitalité des villes du département, véritable oasis de prospérité.

En 1999, avec 114 789 habitants, la population urbaine représente 43,5% de la population totale. Mais, elle aussi accuse une diminution de 3% depuis 1990. C’est plus que la population rurale qui enregistre une baisse de 2% alors qu’elle était de 3,6% entre 1982 et 1990. Ainsi, de 1975 à 1990, l’Aveyron a perdu 8 000 habitants. La perte démographique sera de 6333 habitants entre 1990 et 1999, pour une population de 263 808 habitants. L’exode se poursuit donc, qu’accentue le déficit du solde naturel. En 1992, l’Aveyron enregistrait 3155 décès pour seulement 2435 naissances.

La baisse démographique est-elle derrière nous ?

C’est du moins ce que laissent apparaître les statistiques partielles de 2005. Et la surprise est énorme et réjouissante. Pour la première fois depuis 120 ans, apparaît un supplément de 8127 habitants, les projections tablant sur un apport de 15 000 habitants d’ici 2009. Déjà, cette tendance à la hausse était apparue dans la dernière décennie avec un solde migratoire devenu positif. Aujourd’hui, ce gain est le résultat d’un solde migratoire positif combiné à un solde naturel toujours négatif, certes, mais en voie de stabilisation. Ce qui suscite bien évidemment l’espoir de voir cesser cette longue crise démographique qui ronge le capital humain du département.

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