Manifestations contre la pénurie de céréales. 14 mai 1947

Le printemps 1947 est marqué par une forte pénurie de pain en Aveyron au point que le préfet, accompagné de gendarmes, doit perquisitionner chez plusieurs cultivateurs, notamment à Salles-la-Source et Arvieu ainsi que dans diverses boulangeries pour constater des irrégularités. Ce qui fait dire à la vice-présidente des consommateurs : « Ce que nous avons vu à Arvieu ! Des hommes, sous la foi du serment, des femmes avec des sanglots dans la voix affirmer qu’il leur restait à peine de quoi manger du pain jusqu’à la soudure ! Et puis, en cherchant à peine, on trouvait du blé dans les lits, dans les haies, en plein bois, voire même dans les tombereaux recouverts de fumier. Dans dix fermes visitées, deux cents quintaux de blé furent ainsi collectés. »

Le 9 mai, de longues queues devant les boulangeries ruthénoises montrent la gravité de la situation. À Millau, le maire publie un communiqué de détresse : « Le rationnement sera diminué ; les jours d’ouverture seront fixés en fonction de la farine obtenue. »

Le mécontentement populaire se manifeste à Rodez le 14 mai. Trois camions déposent, ce jour-là, devant la préfecture, une délégation d’habitants de Saint-Geniez porteurs de pancartes où on peut lire : « Nous voulons du pain pour nos enfants » et « Saint-Geniez a eu une seule distribution en trois semaines ». Reçus par le préfet, les représentants repartiront avec dix balles de foin.

Le 17 mai, les incidents les plus violents éclatent à Millau. Les habitants, au nombre de plusieurs milliers, précédés en majeure partie d’enfants et de jeunes filles, se réunissent place du Mandarous.

« Puis la colonne des manifestants qui grossit rapidement en cours de route se dirige d’abord vers la sous-préfecture, réclamant du pain. Arrivés là, des pierres sont lancées contre l’édifice gouvernemental, brisant vitres et fenêtres. Peu après, les manifestants, enfonçant les portes, se répandent dans les locaux ou des déprédations sont commises sur le matériel et divers papiers que l’on fait brûler dans la cour. Loin de se calmer, la foule se retourne vers le domicile particulier du maire où elle réclame également du pain, se bornant là seulement à pousser des cris.

« La colère se transporte ensuite à la mairie où, à nouveau, les manifestants se précipitent dans plusieurs locaux et en particulier sur celui réservé aux services du Ravitaillement général dont le matériel et les papiers, jetés dans la cour, sont à leur tour la proie des flammes. À ce même instant, une voiture automobile appartenant au chef de service du Contrôle économique qui passe sur le boulevard de la République est saisie et renversée sur la chaussée, et c’est de justesse que le feu n’y soit pas mis.

« Enfin et probablement attisée par certaines rumeurs, la population se retourne contre les bureaux du Contrôle économique situés boulevard de l’Ayrolle qui à leur tour sont mis à sac, papiers et matériel formant un grand brasier qui se consume pendant plusieurs heures.

« Ce n’est que tard dans la nuit que Millau retrouve la tranquillité après une émeute sans précédent dans les annales locales. »

Cinq inculpations suivront cette manifestation.

Aussitôt, les autorités prennent des mesures pour remédier au manque de pain dans les principales villes aveyronnaises. Ce qui provoque, au cours des semaines suivantes, une baisse de la qualité du pain, quasiment immangeable.

Le Bassin houiller en état de siège. Octobre-Novembre 1948

Quand, le 18 septembre 1948, les décrets Lacoste paraissent au Journal officiel, la réponse des mineurs ne se fait pas attendre. Le 4 octobre, ils sont 90 % sur l’ensemble du territoire à se mettre en grève pour protester contre la suppression de leurs avantages accordés jusque-là, notamment ceux concernant la Sécurité sociale minière.

D’autre part, la politique charbonnière soumise au plan Marshall se signale, depuis la fin de la guerre, par une réduction progressive de la production et des effectifs. Ainsi, dans le Bassin, est-on passé de cinq mille cent quatre-vingt-dix-huit ouvriers de la mine en 1946 à quatre mille huit cent cinquante-quatre en 1948.

Déjà, le 9 septembre, huit mille ouvriers du Bassin avaient débrayé pour revendiquer des révisions de salaire.

Face à la grève totale qui touche aussi les métallos et l’ensemble du Bassin decazevillois, le gouvernement, dans lequel le maire de Decazeville, Paul Ramadier, détient le portefeuille de la Défense nationale, répond par la répression et l’absence de dialogue.

Tandis que la solidarité joue à plein dans le monde ouvrier par l’envoi de dons et par la prise en charge des enfants des grévistes, les forces de l’ordre investissent le Bassin et multiplient brimades et arrestations, soulevant la colère de toute une région qui se considère désormais en état de siège, laissant libre cours aux comparaisons avec un passé récent où les nazis occupaient le territoire français.

Le mouvement est conduit par la CGT, largement majoritaire chez les mineurs, avec le soutien du député-maire communiste d’Aubin Edmond Ginestet alors que le maire de Decazeville, Paul Ramadier, est accusé d’avoir fait envoyer les CRS pour mater les grévistes.

Au-delà du conflit qui oppose les mineurs au gouvernement, pointe la rivalité entre la SFIO et le PCF, depuis le départ des ministres communistes le 4 mai 1947, révoqués par le président du Conseil Paul Ramadier.

La tension monte d’un cran début novembre, après plus d’un mois de grève sans qu’aucune avancée notoire soit signalée. Le 3 novembre, Aubin, Cransac et Le Gua sont mis en état de siège. Les forces de l’ordre multiplient les passages à tabac et les arrestations. Plusieurs mineurs sont transférés à Villefranche-de-Rouergue pour y être jugés et emprisonnés. Malgré cette répression, en dépit des difficultés quotidiennes et des condamnations des principaux dirigeants, dont André Guibert, la mobilisation ne faiblit pas.

Pourtant, dès la mi-novembre, le mouvement subit une courbe descendante. L’unité syndicale se fracture. Le 29 novembre, après cinquante-sept jours de grève, le Bureau national de la Fédération du Sous-Sol appelle les grévistes à reprendre le travail sans que les principales revendications aient abouti à un accord.

Ce n’est que vers le 6 décembre que l’état de siège est levé. Trois jours plus tard, treize mineurs sont relaxés. Pourtant, le 16 décembre, le tribunal de Villefranche-de-Rouergue poursuit sept mineurs pour entraves à la liberté de travail. Le verdict tombe, sévère : un mois à six mois de prison et de fortes amendes. Au jour de l’An, treize mineurs sont encore emprisonnés. Une demande d’amnistie est demandée au pouvoir ainsi que la levée des mises en résidence surveillée et des expulsions des étrangers. Le gouvernement auquel appartient Paul Ramadier fait la sourde oreille, laissant une impression de profonde injustice dans l’ensemble du Bassin et accentuant l’opposition entre socialistes et communistes.

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