L’évasion du ciel. Claire Roman
Sans doute la moins connue des aviatrices de son temps. Pourtant, osons l’écrire, sa vie est un roman rédigé page après page, remplie de tragédies et embellie d’exploits. Mais commençons par le début ! Une enfance heureuse au sein d’une famille alsacienne, vécue sous domination prussienne avant le retour, en 1918, dans le giron français. Claire Chambaud a douze ans. Vive et intelligente, bachelière à seize ans, elle part en Angleterre apprendre la langue puis revient à Paris. Aux cours de philosophie à la Sorbonne, elle adjoint une soif de connaissances artistiques et d’ouverture au Monde accomplie lors de nombreux voyages avec son père, chef d’entreprise. L’occasion de toucher aux difficultés de l’existence. De se consacrer aux autres. D’aider. Elle sera infirmière. Claire Chambaud a vingt-trois ans quand elle rencontre le lieutenant Serge Roman, de dix ans son aîné. Un de ces hommes sortis vivants des tranchées mais anéantis par les horreurs de la guerre. Retranchés dans son passé. Alors que Claire veut vivre. Sortir dans ce Paris qui ne veut plus se draper dans le deuil. Le couple s’érode. Le 22 mars 1932, Serge Roman se jette par la fenêtre de son appartement. Le choc pour Claire. La culpabilité l’assaille. S’éloigner de Paris. Loin. Le plus loin possible. Elle s’engage dans la Croix-Rouge. Direction le Maroc et Meknès. Il y a dans cette ville, située entre Fès et Rabat, un aérodrome. Un dérivatif aux heures d’ennui de l’infirmière regardant décoller les avions comme une invitation au voyage. Insuffisant pour cette femme qui aime brûler les étapes. Quelques mois suffisent pour obtenir son brevet de pilote de tourisme. Et déjà, la voilà qui s’envole de Meknès, direction Paris. Puis tout s’enchaîne de 1934 à 1939. Le brevet de pilote de transport ; deux fois seconde de la coupe Hélène Boucher ; un raid Paris-Pondichéry. En 1937, une pluie de records lui offre la notoriété du milieu. La guerre éclate. Elle rejoint le corps des aviatrices chargé d’évacuer des avions menacés par les chasseurs allemands. C’est d’ailleurs lors de l’une de ces missions que les Allemands la capturent à Rennes. Pas pour longtemps ! Après une tentative ratée, elle s’évade de la caserne, habillée en civil, emprunte une bicyclette et fonce vers le terrain d’aviation de La Baule, à l’aide de cartes substituées à l’ennemi. La zone n’est pas encore occupée. Claire Roman persuade les autorités de lui confier un avion pour lui permettre de rejoindre Landes de Bussac (Charente-Maritime). Fin août, 1940, elle est démobilisée. Pas question pour autant de se reposer. Elle rejoint La Croix Rouge et conduit un camion d’un camp de prisonniers à l’autre.
Le 4 août 1941, elle monte à bord comme passagère d’un vol Vichy-Perpignan-Pau pour rejoindre sa mère malade. Les conditions météorologiques sont mauvaises. L’avion, dirigé en PSV (pilotage sans visibilité), pris dans un violent orage dont les éclairs zèbrent les contreforts de la Montagne Noire, s’écrase sur le pic d’Estable, sur la commune de Salvezines (Aude). La dernière ligne d’un roman écrit sur la page du ciel.


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