Le crash mystérieux du DC 4 canadien. 13 novembre 1950. Massif du Dévoluy

Simple accident dû à une erreur de pilotage ou bien tentative de détournement – laquelle serait la première du genre dans l’histoire de l’aviation ? Le mystère reste entier dans le crash de l’avion canadien qui, le 13 novembre 1950, percuta le mont Obiou, dans le massif du Dévoluy, à la limite de l’Isère et des Hautes-Alpes. Car il est vrai que toute catastrophe intervenue dans des conditions anormales suscite invariablement des questionnements, opposant la version officielle des autorités à des thèses fondées sur des rumeurs et des supputations dont l’écho est le plus souvent amplifié par les médias.

Alors que s’est-il réellement passé ce soir-là dans le ciel alpin pour en arriver à une telle opposition des versions ?

L’avion ne répond plus

Parti de Rome vers 15 heures en accusant un retard considérable, le DC 4 de la compagnie Curtiss Reid transporte, à destination de Montréal, via Paris pour une escale, cinquante-huit passagers dont plusieurs membres du clergé, de retour d’un pèlerinage dans la capitale italienne à l’occasion des cérémonies de béatification de Marguerite Bourgeoys. Jusqu’à Montélimar, après avoir traversé la Méditerranée, l’équipage demeure en contact avec le sol sans jamais rien laisser paraître une quelconque inquiétude. L’avion doit alors emprunter le couloir rhodanien avant de survoler Lyon. Passage prévu aux alentours de 17 h 10 ! Jamais l’appareil n’atteindra son but !

En ce mois de novembre 1950, la neige a déjà recouvert les flancs du mont Obiou. Le froid commence à envelopper cet imposant massif quand les montagnards distinguent dans la nuit tombante le bruit inhabituel d’un avion qui les survole à basse altitude. Quelques minutes s’écoulent avant qu’une formidable explosion ébranle la face nord-ouest de la montagne.

Aussitôt, les secours s’organisent. Des hameaux qui entourent le mont convergent près de deux cents secouristes. Malgré la marche épuisante dans la neige et l’obscurité, la parfaite connaissance des lieux leur permet d’arriver rapidement sur les lieux du drame. Il reste peu de chance de retrouver des survivants mais, à l’aide de piques et de pelles, les secouristes sondent la neige à la recherche des corps des malheureux passagers. Quant à l’appareil, il s’est complètement désintégré sous la force de l’impact, projetant à plus de mille mètres des morceaux de sa carcasse. Il faudra plusieurs jours aux secouristes pour rassembler ce qui reste des cadavres disloqués ainsi que les effets personnels à remettre aux familles.

Des questions sans réponses

L’enquête peut alors débuter entre évidences et zones d’ombre ; entre version officielle et enquêtes parallèles, chacune se rapportant à des hypothèses à défaut de réponses factuelles, les moyens techniques de l’époque ne permettant pas de connaître le déroulement des faits quelques minutes avant le drame, l’équipage n’ayant plus eu aucun contact radio à partir du survol de Montélimar. Quelle en fut la cause ? Première question qui reste sans réponse ! Les enquêteurs s’intéressent ensuite aux conditions atmosphériques sur zone, ce soir-là. Du mauvais temps et du vent qui soufflent en bourrasques certes mais dont l’impact se révèle toutefois bien insuffisant pour accréditer la thèse de l’accident. Erreur de pilotage ? Pourquoi pas si l’on considère que l’avion a dévié de sa trajectoire officielle pour, ne naviguant plus à vue mais à l’aide de compas, emprunter non le couloir rhodanien mais la vallée de la Durance !

Cause plus probable, qui sera celle que retiendront les autorités, l’avion aurait souffert d’une avarie technique que les pilotes, bien que confirmés, n’auraient pu résoudre, expliquant leur silence radio. Thèse étayée par la mauvaise réputation de la compagnie canadienne mais infirmée par le contrôle technique tout à fait normal de l’avion.

D’étranges passagers ?

Là s’arrête l’enquête officielle qui n’a porté, du moins en apparence, que sur les circonstances de l’accident. Débute alors un scénario à la « Da Vinci Code ». Un professeur québécois, Louis-Edmond Hamelin s’intéresse à l’affaire, livrant une thèse où se mêlent raison d’état, barbouzes, terroristes et sociétés secrètes. Ce géographe de formation n’a jamais crû à la thèse de l’accident technique. Ce faisant, il s’intéresse aux raisons de ce vol et plus particulièrement à l’identité des passagers. Ainsi découvre-t-il que l’un d’eux appartient à une organisation anticommuniste, Mouvement pro Russia, proche de l’Eglise catholique. L’auteur de « L’Obiou entre Dieu et le Diable » se lance alors dans un véritable roman d’espionnage. D’après lui, en pleine Guerre froide, les services  soviétiques auraient eu vent de documents secrets transportés dans le DC 4 pour être ensuite utilisés dans la croisade contre les forces du Mal par les Américains. Deux espions se seraient infiltrés dans l’avion avec ordre de le détourner vers un pays de l’Est. Ce changement brutal de cap aurait été fatal,  soit que l’équipage ait perdu le contrôle de l’avion, soit que les pirates de l’air n’aient pas réussi à s’emparer des commandes. Et d’évoquer, à partir de rumeurs jamais vraiment prouvées, l’enlèvement, dès l’arrivée des secours, du corps de l’un des passagers prestement rapatrié vers l’Italie ; des milliers de dollars répandus sur la neige après le crash ainsi que la disparition de pièces secrètes.

Une démonstration qui laisse sceptique tant les zones d’ombre et l’absence de preuves sont manifestes, bien dans la tradition des écrivains à sensation qui transposent un drame dans un environnement mystérieux où planent intérêts et secrets d’état.

À ce jour, la seule vérité se trouve dans le petit cimetière, voisin du sanctuaire de Notre-Dame de La Salette, où la Vierge apparut à plusieurs reprises à deux enfants au milieu du XIXe siècle. La plupart des victimes sont enterrées là, à mille sept cent quatre-vingt-sept mètres d’altitude, face au mont Aiguille. La Guerre froide s’est réchauffée depuis l’effondrement du bloc soviétique. Reste peut-être dans des archives quelques documents qui permettraient un nouvel éclairage sur cet accident…

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