En chute libre. André-Jacques Garnerin
C’est au rythme des exploits de ces premiers explorateurs du ciel qu’André-Jacques Garnerin vit sa jeunesse. Et quel meilleur professeur que Jacques Charles pour lui enseigner la physique et l’art de voler ? Mais d’une manière différente. Lui ne cherche pas à dépasser le maître et voler de plus en plus haut et de plus en plus loin. André-Jacques veut explorer un autre territoire : celui de redescendre sur terre en volant si, par malheur, le ballon prenait feu. Sans doute, l’accident mortel dont est victime Pilâtre de Rozier et son ami Pierre Romain en 1785 a été un révélateur. La tempête révolutionnaire viendra tout bouleverser et ce n’est qu’après douze années et de multiples recherches pour fabriquer un modèle qu’André-Jacques Garnerin décide de se produire en public le 23 août 1797, comme l’annonce Le Républicain François : « Depuis plusieurs jours on annonçait l’enlèvement d’un physicien à ballon perdu. Ce physicien se nomme Garnerin ; il devoit partir du jardin Biron, faire explosion à son aérostat dans les airs, et redescendre lui-même avec un parachôte. Tout Paris remplissoit, hier, non seulement le jardin Biron, mais les boulevards, les Champs-Élysées, les Tuileries, les quais, et tous les lieux où l’on espéroit voir ce spectacle. […]
« Loin de s’élever lui-même, M. Garnerin n’est pas même parvenu à enlever son ballon ; il a rappelé l’aventure de l’abbé Miolan, et est devenu comme lui l’objet de la risée et des plaisanteries des curieux trompés. »
L’échec est lourd à porter pour le jeune homme de 28 ans. Mais André-Jacques Garnerin ne se décourage pas, s’interroge sur les causes de son échec et se remet à l’ouvrage. Il accomplit même un essai avec un chien, histoire de se rendre compte du bien-fondé de son invention sans que l’on sache toutefois le sort réservé au canidé. Trois mois plus tard, avec un nouvel aérostat gonflé à l’hydrogène et un prototype fait de cercles de bois « qui lui donnaient assez parfaitement la forme d’une cloche de machine pneumatique, ou d’une cloche à melon », Garnerin donne rendez-vous au public dans le parc Montceau comme le révèle Le Républicain du 24 octobre 1797 : « Cette machine était attachée sous le balon, et du cercle inférieur qui la terminait pendait par plusieurs cordons la nacelle où était Garnerin. Poussé par un vent doux vers la plaine, sur la droite de la route de Boulogne, tout à coup il se détache du ballon ; celui-ci ouvert ou crevé, laisse échapper son gaz, et tombe comme une masse ; et la nacelle et le parachûte déployés, et pressant l’air inférieur, planent un instant avec majesté, des applaudissements partent de toutes parts : mais bientôt une oscillation immense balance et la nacelle et le parachûte, la nacelle sur-tout décrit un arc de cercle, tel que les plus hautes balançoires pressées par le jarret le plus nerveux ne semblent point en approcher.
« À ce spectacle, des cris de frayeur s’élèvent de toutes parts, on croit voir le parachute prêt à se retourner sens dessus dessous, on croit voir la nacelle renversée, et son fardeau lancé à terre par la force du balancement ; cependant la descente s’accélère ; il est bientôt au-dessous du niveau du jardin ; on court vers la campagne ; il est à terre ; il est relevé, il revient avec vitesse.
« Une voiture, des chevaux s’empressent ; il entre dans le jardin, au milieu des plus vifs applaudissements. »
André-Jacques Garnerin vient d’écrire un nouveau chapitre de l’histoire de l’aérostation en devenant le premier homme à sauter en parachute. Le Journal des hommes libres de tous les pays ne s’y trompe pas : « Cette expérience vraiment étonnante, dont la seule annonce devait inspirer le plus grand intérêt, non seulement au public, mais encore au gouvernement qui y devait voir un nouveau moyen d’utiliser les ballons, surtout en temps de guerre, manquée une première fois par un accident, n’avait valu à l’auteur que les plus injurieux sarcasmes.
« Aujourd’hui qu’elle a réussi, les dangers qui l’ont accompagnée, l’inquiétude qu’elle a commandée, ont fait de Garnerin l’homme le plus courageux du siècle ; c’est ainsi qu’il a été salué hier après sa descente. »
La montgolfière et le parachute comme armes de guerre ? Le temps n’est pas encore venu !
André-Jacques Garnerin profitera de son exploit pour devenir sous la Révolution, l’aérostier des fêtes publiques. Il y trouvera aussi l’amour en la personne de Jeanne Labrosse, qui sera la première femme à sauter en parachute. C’est elle qui dépose en 1802 le brevet d’invention du parachute : « L’appareil dit parachute est destiné à ralentir la chute de la nacelle d’un ballon après l’explosion de celui-ci. Ses organes essentiels sont une calotte d’étoffe supportant la nacelle et un cercle de bois qui se trouve en dessous et à l’extérieur du parachute et servant à le tenir un peu ouvert lors de l’ascension : il doit faciliter son développement au moment de la séparation avec le ballon, en y maintenant une colonne d’air. »
André-Jacques Garnerin participera aux guerres révolutionnaires ; sera fait prisonnier puis libéré. Il accomplira d’autres exploits, en montgolfière cette fois, mettant le curseur de plus en plus haut. 300 kilomètres entre Moscou et Polova, les 3 et 4 octobre 1803 ; 395 kilomètres entre Paris et Clausen en Allemagne, les 22 et 23 novembre 1807.
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