La voix des airs. Maryse Bastié
Maryse Hilsz. Maryse Bastié. Comment ne pas les associer ? Comment ne pas y voir de similitudes ? Pas seulement par ce dénominateur commun que fut leur passion de voler. Pas seulement non plus par ce prénom d’emprunt (Maryse) dont l’acte ressemble à une rupture dans leur existence entre la vie d’avant et celle choisie.
L’une et l’autre ne sont pas nées dans un berceau doré. Une famille disloquée par la mort prématurée du père. Une adolescence de labeur passée comme piqueuse, pour la jeune Marie-Louise Bombec, dans une usine à chaussures ; une vie tourmentée par le décès de son second mari, Louis Bastié, dans un accident d’avion en 1926. Veuve à 28 ans. La disparition d’un fils en 1935 victime de la typhoïde. Et puis sa vie en l’air, en 1952, lors d’un meeting d’avion. Comme passagère. Comme Maryse Hilsz. Et comme elle, la voix des airs. L’appel à s’attaquer à tous les défis. Durée de vol. Record de distance. Record de vitesse. Le carnet de bord de Maryse Bastié est rempli d’abnégation, de courage et d’exploits. La vie accomplie d’un rêve d’adolescente. « La flamme de l’audace et le trouble du rêve » comme l’écrit Match en 1929. Une vie qui n’a pas débuté sous les meilleurs hospices. Un mariage prématuré suivi d’un divorce. La tourmente de la guerre dans laquelle Marie-Louise puise son affect en écrivant à son filleul de guerre : le lieutenant-pilote Louis Bastié. La rencontre de sa vie. Celle qui déterminera sa passion. Celle qui la conduit à passer son brevet de pilote en 1925. A voler seule aux commandes pour la première fois au-dessus de Bordeaux : « Avec son petit zinc, pour son premier vol libre, relate Match, elle s’en alla survoler la Garonne et passer sous les câbles du pont transbordeur en construction. C’était de la folie ? Bien sûr. » Puis d’accomplir son premier voyage aérien entre Bordeaux et Paris. Celle d’être la première femme en 1926 à obtenir une licence de transport aérien public. Une mise en bouche. Des ballons d’essai avant de s’attaquer aux records. Le temps n’est plus aux sauts de puce de Clément Ader. Aux tentatives de traverser la Manche. Et la concurrence est rude. Chez les femmes autant que chez les hommes. Un record battu, c’est un record en instance. Maryse Bastié ne donne pas sa part aux chiens. Elle accumule les vols. Bat le record féminin homologué de distance (1058 km) ; le perd et le reprend (2976 km entre Paris et Uhring. URSS). Avec son cortège d’imprévus : « J’essayais de voler à 150 m de hauteur pour ne pas risquer d’accrocher les arbres. L’appareil, tordu par le vent, ballotté par les remous, sautait et se cabrait comme un bouchon sur la mer. En Prusse orientale, on me retint plusieurs jours pour des formalités administratives très secondaires. » Avant de se lancer dans la traversée de l’Atlantique sud entre Dakar et Natal au Brésil. Record du Monde de vitesse féminin à la clef : 12h05.
Un tout autre combat, mené par des femmes depuis des décennies, anime Maryse Bastié : le droit de vote des femmes et l’égalité avec les hommes. Un combat plus dur que celui de voler en pleine tempête face à l’intransigeance masculine. « La femme ne serait-elle que la belle moitié du genre humain, dont la mission est de rendre la vie agréable à l’autre moitié ? s’interroge-t-elle. Au propos du journaliste Clément Vautel qui estime que « les femmes ne doivent pas ajouter aux horreurs de la guerre : elles doivent au contraire remplir leur mission naturelle, admirable, sublime qui est toute de bonté et de pitié », Maryse Bastié lui répond : « Qu’il se rassure. Mes compatriotes qui, dans tous les domaines, ont montré des qualités très féminines de sensibilité, de pitié, de tendresse et de dévouement n’ont pas besoin qu’on les mette en garde contre une prétendue tendance à jouer les Walkyries et les Amazones guerrières. […] Cela n’implique point que si la redoutable éventualité se produisait, elles ne fassent, en temps de guerre, leurs offres de service au pays dans la mesure où elles le peuvent et sur le terrain où elles le peuvent. Il ne s’ensuit pas davantage que le courage et l’endurance restent des vertus essentiellement masculines. »
La guerre éclate. Les deux Maryse se retrouvent affectées au corps féminin des pilotes auxiliaires. Elles convoient des troupes vers le front. L’armistice est signé. Ni pour l’une, ni pour l’autre. Maryse Bastié entre comme conductrice à la Croix Rouge. Profite de ses déplacements pour recueillir des renseignements pour la Résistance. Son esprit rebelle ne peut admettre la présence allemande et ses exactions. Jusqu’à s’en prendre à un soldat allemand qu’elle invective. Il la pousse. Maryse tombe. Se brise le coude. Elle apprend plus tard qu’elle ne pourra plus piloter.
Auxiliaire féminine de l’Armée de l’Air puis employé au Centre d’essai en vol après la guerre, son étoile ne s’est pas éteinte. Souvent invitée en guest star, elle se trouve ce 6 juillet 1952 à Bron, en banlieue lyonnaise, pour un meeting. Passagère d’un nouvel avion, le Noratlas. Ce sera son dernier vol. Son envol pour atteindre d’autres étoiles avec Hélène Boucher, Claire Roman et Maryse Hilsz. L’Intransigeant du 8 juillet relate le terrible accident : « Le cargo Nord 2501 construit par les ateliers de la Société nationale des constructions aéronautiques du Nord se présentait au public. Après être passé à basse altitude devant la tribune officielle, son moteur droit calé volontairement, il s’éleva en chandelle rapide. Parvenu au sommet de sa course ascensionnelle, l’appareil resta un instant immobile puis bascula brusquement, visiblement déséquilibré, piqua en vrille vers le sol. On eut dit une bombe gigantesque : une explosion, un immense nuage de flammes orangées qui jaillit du sol, un long panache de fumée noire. Maryse Bastié et ses compagnons de bord avaient péri. […] Deux faits importants ressortent de ce pénible accident. 1. L’exhibition du Nord 2501 n’était pas prévue et inscrite au programme officiel. Cette présentation fut une improvisation de dernière heure. 2. Le pilote a voulu trop « demander » à son appareil en ce sens qu’il manœuvre le Nord 2501 comme un appareil d’acrobatie. La catastrophe n’est donc pas imputable à une défaillance de l’avion : c’est une erreur de pilotage. »
La voie des airs comme une fatalité !


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