Le roman d’une ville

Le Tour de ville

Vu d’en haut, une double ronde d’arbres monte jusqu’au sommet des immeubles telle une corolle. La cathédrale lui sert de point de départ et d’arrivée. Le tour de ville chemine sur les rives de la ville médiévale. Collier parsemé de petites perles de verdure que sont les squares, appelés ici « fenestras ». Véritables poumons du corps urbain chargés de purifier l’air vicié de la ville, du temps des grandes épidémies qui faisaient leur lit sur le terreau de la misère.

Pour les rendre plus agréables, les édiles du temps ont peuplé ces squares de personnages aveyronnais célèbres, tels des réverbères prolongeant la lumière de leur histoire. Tournant le dos aux monts d’Aubrac, face au collège Joseph-Fabre, l’historien Amans-Alexis Monteil songe sur sa chaise littéraire, main droite supportant le poids de ses pensées. Qui pourrait se douter, dans cette solitude léthargique, dans ce poids du temps qui chasse les souvenirs, que Monteil fut le précurseur, à travers sa monumentale « Histoire des Français des divers états », de l’histoire populaire.

   

Plus loin, à l’intersection des boulevards Belle-Isle et de la République, le square Bonnefé surplombe la trouée de l’Aveyron. Son austérité tranche avec les courbes lointaines et harmonieuses de l’Aubrac, traçant l’horizon d’un front de neige, l’hiver venu. Le monument érigé au personnage éponyme épouse cette gravité du lieu. Posé sur un socle, encadré de deux colonnes, le médecin Bonnefé s’ennuie à ne voir défiler qu’un cortège de voitures, attendant le clin d’œil d’un passant qui l’ignore, lui préférant les paysages lointains. Le fil de sa vie a lâché le 15 mai 1907 dans un accident d’automobiles. Un imprévu pour ce fondateur des « Prévoyants français ».

Le square de la Boule d’Or ne porte pas le nom d’Eugène Viala. Presque passager clandestin au milieu de pétanqueurs, son buste tète le soleil, enflammant son regard de drôles de pensées. Mort de froid quand l’hiver dépouille les arbres pour dessiner une eau-forte fantastique, Viala s’est laissé glisser dans les jardins secrets de ses tourments. En pente douce. Au milieu de la nuit galopant sur les chemins du rêve.

 

Rien de tel avec le square François-Fabié. A la différence des trois précédents, le poète des bêtes fixe les monts du Lagast avec l’acuité de l’observateur chantant son pays. Le chantre du monde rural, virtuose de la rime, laisse la ville derrière et son avenir pour exprimer sa nostalgie d’un monde en partance.

Le silence des statues, à peine dérangé par le souffle du vent, nous porte vers l’inattendu. Un éclat de voix. Un mouvement des bras. Une phrase tombée du bruissement des feuilles et c’est la vie qui refleurit.

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