Marignan. La der des der de la chevalerie
Elle est inscrite au panthéon des victoires militaires françaises. Mais son impact politique et historique fut pourtant faible.
10 septembre 1515. Le jeune roi François Ier – il vient d’avoir 21 ans et succède à Louis XII – installe le camp de l’armée française à Marignan, à 16 kilomètres au sud-est de Milan. 10 000 cavaliers, 30 000 fantassins, 72 canons, avec le soutien de l’armée vénitienne viennent bouter hors du duché de Milan 30 000 mercenaires suisses. Les guerres d’Italie ont déjà conduit le royaume français à l’échec. Mais cette fois, on allait voir ce que l’on allait voir. De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace, François Ier et ses chevaliers de La Palice (oui, c’est bien le même !) et Bayard viennent d’en faire preuve en traversant les Alpes par le col de Larche, au nez et à la barbe des Suisses, comme le fit Hannibal face aux Romains, les éléphants en moins.
Trois jours plus tard, du 13 au 14 septembre, le grand carnage de Marignan se conclut par la mort de 16 000 hommes en 16 heures de combat. Les Suisses, réputés pourtant invincibles, viennent de subir une défaite mémorable, ouvrant grand les portes de Milan à François Ier.
Propagande royale
Serait aveugle celui qui ne verrait pas dans cette bataille la portée mystique des nombres : la parfaite symétrie des chiffres de la date faite pour être mémorisée par le plus cancre des cancres ; le fait que la victoire intervienne le jour symbolique de la Sainte-Croix ; 16 000 morts en 16 heures à 16 kilomètres de Milan. De quoi donner du grain à moudre aux numérologues !
Bref, dans cette plaine du Pô gorgée du sang des victimes, la victoire de Marignan consacre l’avènement de François Ier. A charge désormais pour la propagande royale – déjà en vogue ! – de mettre en musique cet événement fondateur de la Renaissance française et de démontrer encore toute la valeur de l’esprit chevaleresque d’une noblesse qui voit d’un mauvais œil l’artillerie prendre une place prépondérante dans l’organisation des batailles.
Poètes et chansonniers sont mis à contribution pour faire grimper dans la population l’audimat de cette victoire. Des textes, comme celui de Clément Jannequin, une fois publiés, sont lus lors des prêches dans les églises. De quoi faire monter la fibre patriotique !
Le mythe de Marignan est en marche, réactivé au XIXe siècle dans les livres scolaires où François Ier est décrit comme le premier roi ayant sorti la France de l’obscurantisme médiéval. S’y ajoute le rôle du héros, sans peur et sans reproche, joué par Bayard, véritable idole des cours de récréation de l’école de Jules Ferry.
A son sujet, l’adoubement de François Ier n’est qu’une légende romanesque de cette chevalerie en voie de disparition, écrite en 1525 par le Lyonnais Symphorien Champier dans « La vie du preux chevalier Bayard ».
L’année 15 : fatalitas ?
La victoire de Marignan est l’antidote à la croyance de ceux qui pensent que cette année-là est maudite pour la France. Un siècle plus tôt, Azincourt s’était conclu par une catastrophe militaire. Louis XIV trépasse en 1715, ajoutant à la confusion. Pour ne pas être en reste, Napoléon Ier prend le malin plaisir de se faire battre à Waterloo en 1815 par une coalition européenne. Un siècle plus tard, 1915 s’inscrit dans cette même fatalité répercutée en 2015 par les attentats terroristes, jetant un voile noir sur cette année.
Souvenez-vous de Pavie !
Si François Ier assoit son autorité sur les morts de Marignan, il n’en sera pas de même dix ans plus tard quand, à Pavie, l’armée française est décimée et le roi fait prisonnier. A sa décharge, Bayard s’était, l’année précédente, fait tuer par un lâche coup d’arquebuse. Mais qui se souvient de la défaite de Pavie, en 1525 ?


Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !