« Nous irons jusqu’aux astres ». Jacques Charles. Joseph et Etienne de Montgolfier

A quoi tient parfois une invention ? A une chemise séchant devant une cheminée. Joseph Montgolfier n’en revient pas. Lui, le papetier de Voiron, né à Annonay ; lui, dont le rêve est de fabriquer une machine volante, voit devant ses yeux la chemise légèrement s’élever, propulsée par l’air chaud. Nous sommes en 1782, en plein Siècle des Lumières. Joseph confie sa découverte à son frère Etienne. Tous les deux vont se lancer dans la plus extraordinaire entreprise de cette fin de XVIIIe siècle. D’abord à l’abri des regards et par la connaissance et la maîtrise qu’ils ont du papier. Et les premières expériences confirment leurs observations. Une pièce de taffetas suspendue au-dessus d’un réchaud s’élève avant de retomber. En novembre 1782, ils renouvellent leur expérience à Avignon. Dès lors les deux manufacturiers, sûrs de leur découverte, se lancent dans une course effrénée. Mais une simple pièce de tissus ne suffira pas à convaincre les scientifiques du bien-fondé de leur découverte. Il leur faut voir plus grand, plus haut, plus loin. Comme le 14 décembre, dans leur fief de Vidalon-les-Annonay, où une sphère de soie de 3 m3 gonflée d’air chaud grâce à un mélange de paille mouillée et de laine cardée s’élève dans le ciel. Ou le 25 avril de l’année suivante quand un ballon de 800 m3 atteint cette fois une hauteur de 400 mètres. Le temps est alors venu de partager leur expérience en public. Le 4 juin 1783, le ballon de 900 m3, attaché à deux mats et suspendu au-dessus d’un foyer de paille et de laine, monte à 1000 mètres d’altitude et parcourt 2,5 kilomètres sous les yeux médusés des spectateurs. Mais la province n’est rien sans Versailles et Paris, là où tout se décide ! Une lettre est envoyée à l’Académie des sciences. Les deux frères sont invités pour septembre à une démonstration devant le Roi. Ils seront les premiers à faire voler un aérostat dans le ciel versaillais moins d’une année après leurs premières expériences. Enfin peut-être ! Car dans la capitale, un physicien, membre de l’Académie des sciences et spécialiste de l’étude des gaz, ne l’entend pas de cette oreille. Jacques Charles a déjà expérimenté la force ascensionnelle de l’hydrogène, un gaz bien plus léger que l’air. Sans doute au courant des expériences des Montgolfier, il fait construire par les frères Robert un ballon de soie imperméabilisé par un vernis à base de caoutchouc. Après quatre jours de gonflage, le 27 août 1783, le globe s’envole depuis le Champ de Mars et parcourt seize kilomètres avant de se poser à Gonesse.  La course est lancée !

Le jour même, Etienne Montgolfier est à Paris où il a débuté, au sein de la Manufacture royale, la construction de l’engin qui doit voler devant le Roi. La première expérience est un échec. Le 11 septembre, la toile, cousue main, se déchire, rendue trop mouillée par les pluies de la veille. Qu’importe ! Avec l’accord de l’Académie, Etienne fait reconstruire un ballon en cinq jours pour se présenter devant le Roi et sa famille. « Le Martial » se compose d’une toile de coton encollée de papier sur les deux faces, sur fond bleu azur, ornée de deux L entrelacés aux chiffres du Roi. Le ballon mesure 18,47 m de haut sur 13,28 m de large et pèse 400 kg. Il est pourvu d’une cage en osier dans laquelle Etienne place un canard, un coq et un mouton. Le vol est annoncé à 13 heures dans l’avant-cour de Versailles puis par un second coup de canon, onze minutes plus tard. La Gazette du Commerce écrit : « Au plus haut point de son ascension, elle parut comme immobile pendant quelques instants ; après quoi, le vent d’ouest qui souffloit, lui fit prendre un cours horizontal, mais qui ne fut pas de longue durée.

« Sa déclinaison fut bientôt sensible, on en vit sortir des traînées de fumée, & au bout de 6 à 8 minutes, elle alla tomber au carrefour-maréchal, dans le bois de Vaucresson, qui n’est éloigné du lieu de départ que d’une demi-lieue. »

A l’atterrissage, les trois animaux sont sains et saufs. Un certain Pilâtre de Rozier les récupère avant de les confier à la ménagerie de la Reine. Un véritable succès qui incite Etienne Montgolfier à réitérer l’ascension, un mois plus tard. Mais cette fois, Etienne montera dans la nacelle malgré l’interdiction de son père mais avec l’aval du Roi. Dans les jardins de Monsieur de Réveillon, le ballon captif avec à son bord Etienne Montgolfier s’élève dans le ciel. Il est suivi de deux autres essais, le 15 et le 17 octobre, mais cette fois, c’est Pilâtre de Rozier qui est à la manœuvre. Enfin, le 19 octobre, au faubourg Saint-Antoine, dans la cour de « La Folie Titon », Pilâtre de Rozier monte seul dans un ballon captif qui atteint 81 m de hauteur. Suivi d’un second vol de neuf minutes durant lequel Pilâtre de Rozier, accompagné par Giroud de Villette, grimpe à 101 m.

Les frères Montgolfier ont ouvert la voie des airs. Ils accompliront encore quelques vols avant de se consacrer entièrement à leur manufacture. Leur gloire sera d’avoir laissé l’empreinte de leur nom !

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