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L’horrible maison Bancal

La rue des Hebdomadiers (actuelle rue Séguy), à quelques claquements d’ailes des chauves-souris de la cathédrale, s’inscrit dans ce vieux Rodez aux rues étroites et sombres, composée d’hôtels particuliers, de commerces de bouche et de petits entrepôts, située entre la place de la Cité et l’hôtel de la Préfecture (actuel évêché). Une voie pas plus mal famée que d’autres, qui doit son nom aux prêtres assurant un service religieux hebdomadaire à la cathédrale. C’est d’ailleurs l’un de ces religieux, Guibert, qui est propriétaire du N°605 au milieu du XVIIIe siècle. Lors de la vente des biens nationaux, Guillaume Bourguet, chirurgien de son état, s’en porte acquéreur pour 2950 livres. Etrangement, c’est lui qui, plus tard, expertisera le cadavre de Fualdès.

Après avoir été exhaussée d’un étage, la maison est revendue le 29 novembre 1794 pour 6000 livres à Jean-Antoine Sénegean, boucher, qui la donne ensuite en héritage à son gendre Vernhes qui exerce la même profession. C’est lui qui est propriétaire du N°605 au moment de l’affaire, louant rez-de-chaussée et étages. La famille Bancal y entre le 1er juillet 1816 mais le loyer étant trop élevé, elle prévoit de donner congé à la Saint-Jean 1817. Entretemps, le meurtre a été consommé faisant de ce lieu, la maison du crime.

Devenue l’horrible maison Bancal, objet de terreur dans toute la ville, son propriétaire Vernhes demande durant l’instruction de l’affaire des dommages et intérêts au Bancal, ce que lui refuse le tribunal de Rodez, le 6 octobre 1817, sous le prétexte « qu’en supposant même qu’il ait été causé un dommage réel à ladite maison, les demandeurs auraient à s’imputer d’avoir baillé leur maison à loyer à des gens sans aveu, sans fortune, dont la conduite passée et les excès journaliers prélude de l’horrible assassinat dont ladite maison a été le théâtre, devaient faire naître chez lesdites parties le pressentiment de quelque sinistre événement ».

En clair, les Bancal portent bien avant le crime, le fardeau de leur triste réputation et le masque du crime.

Deux estampes et trois plans, présentés durant le procès afin de permettre aux magistrats et aux jurés de visionner les lieux aux regards des témoignages, permettent de se faire une idée du lieu, composé d’un rez-de-chaussée, de deux étages et d’un chien assis s’ouvrant sur le grenier.

La maison, dont la sinistre réputation franchit le XIXe siècle, subit le sort de ces lieux que la mémoire publique tente d’exorciser en la détruisant. Sans faire l’objet d’une éventuelle préservation, ni même de quelques clichés à l’exception d’une photo parue dans La Dépêche, elle est détruite en décembre 1962 par l’entreprise Bories afin d’y installer une annexe du magasin Prisunic, au 8, rue Séguy. Centre Presse, à son tour, y consacre un article, le 21 décembre 1962. Rayée de la géographie ruthénoise, la maison Bancal ne semble plus qu’appartenir à un passé sans visage quand, en 2011, elle ressuscite au musée Fenaille sous la forme d’une maquette réalisée en 1820, redonnant vie à ce lieu maudit.

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