Rodez. Le roman d’une ville (5)

Etrange rue Combarel (2ème partie)

 

Combarel échappe aux nazis

Œuvre du sculpteur Bertrand, la fontaine et le buste de Combarel sont inaugurés le 15 avril 1901, face à l’entrée de l’hôpital. « À 11 heures 15, raconte le Courrier de l’Aveyron, le cortège des autorités municipales, auxquelles s’étaient joints les inspecteurs et sous-inspecteurs des enfants assistés, accompagné de la compagnie des sapeurs-pompiers, précédée de la musique municipale, s’est rendu, en sortant du service Lebon, sur la place de l’hospice, afin de procéder à l’inauguration du buste de Denis Combarel, bienfaiteur de l’hospice et de la ville de Rodez.

« Dès que le cortège eut entouré la fontaine qui surmonte le buste, le voile fut enlevé et l’œuvre de Louis Bertrand apparut à tous les yeux comme digne du talent, déjà justement apprécié, de notre compatriote. La musique joue la Marseillaise, tout le monde se découvre.

« On peut dire que Combarel se présente avec un caractère de vie et de naturel qui est fort remarqué ; on ne dirait pas qu’il est en pierre, on constate qu’il semble animé encore, et prêt à remercier les assistants du juste hommage qui lui est rendu… »

La fontaine servira, lors de l’occupation allemande, à prendre la rue Combarel en enfilade avant que le buste ne soit ôté de son piédestal en vue d’être fondu. Une mésaventure qui lui sera épargné, à la différence du Samson de Gayrard, de la statue de Vercingétorix et de la nymphe du Lévezou, place du Bourg, que les Ruthénois ne reverront jamais.

La fontaine de Combarel demeure dans les mémoires des différents témoins comme un lieu de ralliement des gosses du quartier. Robert Aussibal se souvient « que les jours de foire, les gens allaient faire boire les animaux à ce bassin, les gros propriétaires venant déjeuner chez Savy, à l’hôtel Moderne. Pour Roger Rey, c’était un lieu de rencontre pour les gamins du quartier qui y plongeaient parfois tout habillé.

La fontaine a été enlevée. Le buste, placé à l’entrée de l’hôpital, a quitté les lieux pour les nouveaux bâtiments de Bourran.

La « Veuve » maudite (1936)

Triste privilège qui pèse sur le nom d’Henri Bourdon, le dernier guillotiné en public qu’ait connu l’Aveyron. Le 9 septembre 1934, ce garçon de ferme viole et assassine, au mas d’Allègre, à quelques kilomètres de Tournemire, la fille de son patron, la petite Josette Fabre, huit ans. « Par vengeance », explique-t-il aux gendarmes. Monsieur Fabre l’a congédié le matin même, lui reprochant de se saouler et d’avoir le vin mauvais.

La cour d’assises de l’Aveyron juge son affaire, le 19 décembre 1935. Jusqu’à la sentence capitale, Henri Bourdon n’exprimera jamais l’ombre d’un regret. « J’ai voulu me venger, voilà tout ! Et puis, j’ai pris la petite fille aussi parce que c’est mon goût, c’est ma passion ! » affirme-t-il devant les jurés. À quoi la mère de la fillette lui rétorque : « Vous êtes un monstre ! Vous méritez la mort ! »

En moins de dix minutes, les jurés répondront par l’affirmative aux six questions posées. Henri Bourdon est condamné à la peine capitale. Au président qui lui demande s’il veut ajouter quelques mots, le condamné répond : « Que ma tête soit tranchée sur la place de Tournemire. »

Son vœu ne sera pas exaucé. Henri Bourdon est exécuté à Rodez, le 4 avril 1936, rue Combarel, face à la porte de la prison. À 3 heures 25, un fourgon chargé de la guillotine en pièces détachées remisée à la gare, arrive sur le lieu d’exécution. Une foule importante attend déjà sur place pour assister au montage de la veuve.

« Les aides du bourreau, écrit le chroniqueur de La Dépêche, ne perdent pas de temps. Les portes de la sinistre voiture sont rapidement déplombées et, tandis que, derrière l’imposant service d’ordre, le public grossit toujours davantage, les auxiliaires de M. Deibler s’affairent pour le montage, à deux mètres à peine de la porte de la prison ; travail délicat, difficile même, minutieux, surtout à en juger par l’attention et la précision dont font preuve les exécuteurs adjoints. Travail qui se poursuit dans un demi-silence…

« Après bien des précautions et la recherche d’un équilibre parfait au moyen de cales de diverses grosseurs, les lourds madriers du soubassement sont enfin posés en croix sur le sol.

« Aussitôt, on pose les deux montants parallèles, hauts de 3 mètres environ, et deux monteurs, avec aisance maintenant, placent le chapeau, ce fameux linteau qui réunit les montants à leur sommet et où, dans quelques instants, sera fixé le couteau. Celui-ci, un glaive d’acier triangulaire qui paraît peser une trentaine de kilos, sera, d’ailleurs, hissé avec d’infinis ménagements. Il est emmanché dans un mouton de plomb et, une fois installé, il semble faire bloc avec lui.

« Puis c’est le plancher. Là, le montage semble un jeu d’enfant. Plus longue sera la construction de la lunette, à un mètre du plancher. Les aides fixent deux planchers placés verticalement l’un au-dessus de l’autre et percés chacun d’une demi-conférence.

« Ils adaptent la planche inférieure aux montants, tandis qu’ils éprouvent ensuite avec soin le glissement de la planche supérieure dans les rainures latérales. Maintenant, face à la lunette, se place la bascule, planche étroite, verticale et qui, tout à l’heure, sous le poids de Bourdon, va s’abattre et s’appuiera sur une tablette plus longue et aboutissant à la lunette.

« Enfin, à droite de la bascule, les aides déposent un plan incliné qui repose sur le bord d’un grand panier d’osier doublé de zinc et où on a mis une importante quantité de son. Sous la bascule et la lunette, on place encore une auge oblongue.

« Et c’est fini : l’échafaud est dressé, prêt une fois encore à faire œuvre de justice… »

A 5 heures 05, Bourdon est exécuté, comme le précise le carnet intime du bourreau Deibler, descendu de Paris pour l’occasion : « Henri Bourdon, quarante-sept ans, ouvrier agricole, condamné pour viol et meurtre d’une fillette. Entraîné vers l’échafaud, et arrivant au pied de la planche bascule, il se jeta dans un soubresaut violent sur le côté droit en baissant et tournant la tête, ce qui le mit de travers sur la planche. Mais d’un mouvement prompt en le prenant par les cheveux on le remit d’aplomb, cette opération prenant à peine deux secondes de plus. »

La Veuve ne devait plus jamais revenir en Aveyron.

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