Georges Rigal. Le premier Aveyronnais champion olympique

En cet été 1924, Paris ne vit que pour les Jeux Olympiques

 

La grande foule se presse autour des stades et dans les tribunes pour apercevoir les champions et communier avec leurs exploits sportifs. Les jolies filles n’ont alors d’yeux que pour le beau et bientôt légendaire Tarzan, Johnny Weissmuler, tandis que le coureur finlandais Paavo Nurmi continue de collectionner les titres, au rythme de ses longues foulées qui font courir au stade le tout Paris.

Tout ce beau monde se passionne aussi pour les exploits répétés de l’équipe de France de water-polo. Cette équipe, façonnée à la dure par l’entraîneur de Tourcoing, Paul Beucque, regroupe, autour de son capitaine Henri Padou, de fortes individualités : Mayaud, Deborgie, Delberghe, Desmettre, Dujardin, ainsi que le brillant Georges Rigal, un nageur de premier plan converti aussi au water-polo.

 

Fils d’un Saint-Cômois, né le 6 janvier 1890 à Paris, Georges Rigal, jeune homme brun, long et mince comme un fil de fer, fréquente tout jeune la piscine de Château-Landon. Il s’y rend tous les matins, avant de gagner l’école Boulle où il apprend l’ébénisterie. Dans son maillot rouge et bleu du club de « La Libellule », il plonge « parmi les détritus de cette eau glauque et glacée », que l’on ne prend ni le soin de nettoyer, ni le soin de chauffer. Ce qui n’empêche pas notre valeureux nageur de progresser, battant des pieds et des mains, autant pour se réchauffer que pour avancer.

La natation, Georges Rigal y est tombé dedans dès son plus jeune âge comme il le confie au journal « Match » du 29 mai 1928 : « Je ne me rappelle pas à quel âge la passion de la natation m’a pris. Je crois que dès que j’ai été capable de comprendre quelque chose, j’ai désiré être un nageur. Les hommes de l’onde avaient un tel ascendant sur moi !… Pouvoir battre à la course les chiens qui courent si vite sur terre !… Quelle revanche !… Dès que je fus capable d’avoir une volonté, je mis mon projet à exécution… »

Champion scolaire des moins de 14 ans en 1903, faisant preuve d’une belle abnégation, Georges Rigal s’adjuge les titres de champion de Paris puis de France en 1910 des 100, 500 et du 1500 m nage libre, dans le temps de 28’ 33’’. L’année suivante, premier nageur français à adopter le style du crawl, le sociétaire du club parisien remporte le premier championnat de France du 100 m nage libre, dans l’excellent temps de 1’ 15’’ 6/10e. A la question d’un de ses élèves, se demandant comment on respire en pratiquant ce « truc » là, Georges Rigal répond : « Voilà. Tu pars. Tu fais 50 mètres. Là, au virage, tu prends une bonne respiration et tu reviens ».

 

Recordman de France du 100 mètres nage libre de 1908 à 1917 et du 200 mètres nage libre en 1910 (2’47’’), Georges Rigal participe aux Jeux Olympiques de Stockholm en 1912 où il représente la France au 100 mètres nage libre (Eliminé en série) ainsi que dans l’équipe de France de water-polo. En tout, il participera à quatre Jeux Olympiques (1908, 1912, 1920 et 1924.

La guerre interrompt son parcours sportif. « Après deux années sur le front, rappelle-t-il, l’estomac délabré, et blessé, par surcroît, on m’envoie à Grenoble. Deux mois de régime rigoureux. Et je commence à me sentir mieux. Naturellement, la marotte de la natation me taquinait. J’aspirais de tout mon être à une pleine eau. Je demande l’autorisation de sortir… Je file, je me déshabille en un tournemain et, histoire d’épater le “populo”, je m’en vais comme un tourbillon, je vire aux 50 mètres, et je termine, pompé, mais content du petit effet. Un camarade avait pris mon temps en “douce”. Il m’annonce 30’’ aux 50 mètres et 1’13’’ aux 100 mètres ! Mon temps de 1909 ! Et nous étions en 1916 !… »

Mais l’apothéose, pour Georges Rigal, c’est bien cette finale des Jeux Olympiques de Paris, que l’équipe de France doit disputer à la Belgique, grand favori de l’épreuve. Après trois victoires contre les Etats-Unis (3 à 1), les Pays-Bas (6 à 3) et la Suède (4 à 2), devant 9000 spectateurs enthousiastes, qui ont très tôt envahi la moderne piscine des Tourelles, Georges Rigal et ses coéquipiers vont, ce jour-là, écrire la plus belle page du water-polo français. Malgré leur rang d’outsider, il domine la Belgique, battue 3 buts à 0, offrant à la France une nouvelle médaille d’or.

« Le Miroir des Sports » publie le compte-rendu de la rencontre dans son édition du 23 juillet 1924 : « Le tournoi olympique de water-polo qui s’est terminé par la brillante victoire de l’équipe de France, a certainement donné lieu à la plus grande surprise des actuels Jeux Olympiques. Ce résultat fut, pourtant pleinement mérité et constitue, certes, la meilleure récompense des efforts accomplis au cours des dernières saisons pour permettre à la natation sportive française d’acquérir la classe internationale. Nos joueurs s’assurèrent au cours de cette grande finale, le plus souvent l’avantage, neutralisant leurs adversaires par leur vitesse et utilisant cette dernière pour mener des dangereuses attaques, dont trois se terminèrent par de jolis buts…

« Si Padou et Dujardin furent les meilleurs, Delberghe, à l’arrière, fut parfait en défense, marquant sans pitié son adversaire et réussissant des dégagements aussi puissants que précis. Rigal qui complétait notre défense, se montra à la hauteur des circonstances et sut mettre à profit l’expérience acquise par près de vingt années de pratique… »

Se rappelant les racines aveyronnaises de Georges Rigal, Le Courrier de l’Aveyron se fend, le 3 août 1924, d’un petit article pour rappeler l’exploit de l’un des siens : « Nous sommes particulièrement heureux de signaler que le capitaine de l’équipe de water-polo qui a triomphé de toutes les nations du monde est notre compatriote Jean (sic) Rigal, auquel nous adressons nos félicitations les plus chaleureuses ».

Georges Rigal stoppe sa carrière sportive en 1930 à l’âge de 40 ans. Mais la fibre de la natation ne l’abandonne pas, devenant entraîneur puis président de la Fédération française de natation de 1959 à 1964. Professionnellement, Rigal s’est reconverti dans la profession de négociant en bois. Il décède le 25 mars 1974 à Saint-Maur-des-Fossés. Aujourd’hui, une piscine porte son nom dans le 11e arrondissement de Paris.

L’Aveyron avait jusque-là oublié son nom et son exploit. Au premier médaillé olympique aveyronnais, ses compatriotes repentants !

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