La Foi inébranlable de l’abbé, tailleur de rochers

Le vent, les embruns et le sel n’en finissent pas de lécher la côte malouine, corrodant et arasant les roches de granit. Un mouvement millénaire et répétitif qui heurte les falaises et façonne la grève. Une œuvre de la nature qui ne tient pas compte des formes si ce n’est le hasard qui parfois cisèle la roche pour lui donner un aspect jailli de notre imagination.

Que l’abbé Fouré se soit imprégné de ce flux et reflux incessant apparaît comme une évidence. Comme une fin en soi, portée par une Foi inébranlable comme seuls les curés bretons savaient l’illustrer au siècle dernier. Mais à sa manière… tel un ouvrier de Dieu… les outils bien en main : burin, marteau et ciseau.

Réfugié dans son monde solitaire après une attaque d’hémiplégie qui le rendit sourd et muet à cinquante-cinq ans, il s’est mis à sculpter la roche pour bâtir un monde de silence où chacun peut venir chercher une résonance… édifiant pièce par pièce, en près de quinze ans, une œuvre dont la ténacité ressemble à celle, contemporaine, du facteur Cheval.

Trois cents statues, autrefois polychromes, réparties sur près de six cents mètres carrés que l’abbé fou s’est ingénié à façonner, ne laissant jamais la place au temps de le happer avant que l’ankou ne vienne le kidnapper. De cette fresque granitique, étrange et fantasmagorique, on a tout dit. Et qu’importe qu’on y reconnaisse l’histoire de la famille des Rothéneuf, faite de pirates et de corsaires ou celle de personnages contemporains du curé à moins que sous les traits de la Malice, de la Séduction ou de l’infidélité « l’Ermite de la Haute-Folie » ait voulu ranimer une Foi défaillante sans oublier une certaine forme de dérision que l’on retrouve sur certains visages hilares, à l’image des gargouilles des cathédrales.

Pris à son propre jeu, l’ébauche est devenue œuvre monumentale puisque consacrée à Dieu et à l’immensité. Une sorte de sacrifice physique glorifié par la devise gravée sur son fauteuil de granit : Amor et dolor.

L’abbé s’en est allé en 1910, rompant les amarres de la vie pour voguer vers d’autres cieux, tel Jacques Cartier, l’enfant du pays, qu’il admirait tant. En dépit de l’érosion marine, son empreinte reste incrustée dans la roche. Pour faire de sa Foi primitive, une Folie artistique.

Département de l’Ille-et-Vilaine. Rothéneuf. Près de Saint-Malo.

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