L’incessant mouvement créateur de Gorodka

Sarlat. Quartier de la Canéda… Il était une fois… Gorodka. Un nom qui n’est ni d’ici, ni d’ailleurs… un nom… un lieu… de nulle part et de partout… comme tous ceux qui viennent ici. Un nom qui n’apparaît sur aucun cadastre ou plan d’urbanisme… une universalité puisée dans la non-reconnaissance officielle mais aussi dans un homme. Pourtant, Gorodka est cadastré, soumis aux impôts locaux, taxé sur le foncier et le bâti. Une reconnaissance étrange… pas très légale quelque part… puisée dans la non-reconnaissance du travail d’un homme qui pourtant ne cesse de tendre la main à tous les partenariats possibles privés, nationaux et territoriaux et qui se place dans l’harmonie plutôt que dans le chaos.

Gorodka… Il était une fois… Pierre Shasmoukine… l’homme et l’artiste-plasticien… le multi-art, décliné sous toutes ses facettes, « mariage de la création Culturo-Artistique lié à des objectifs Socio-humanitaires ». Un sourire, un bonjour sincère et la porte que l’on croyait cadenassée s’ouvre. Le dialogue pour attiser la flamme et faire fondre le glacier préconçue qui peut se dresser entre l’artiste et le visiteur.

Gorodka… un lieu… un homme… et donc fondamentalement une histoire… que l’on veut sans fin parce que l’art est intemporel… mais avec un début comme fondement… un socle de deux hectares constitués de bois que deux mains laborieuses ont défrichés comme le furent ces terres d’abbayes et de monastères bien des siècles plus tôt. Survivre d’abord avant de vivre son rêve. Comme un serment à atteindre. Rendu puissant par la persévérance de l’acte primaire accompli… comme « un bourgeon qui perce l’hiver ».

Refusant le monde clos des galeries, enlevant les barreaux de ces prisons de l’art, Pierre Shasmoukine a créé un géo-concept artistique qui se multiplie depuis quarante ans, décliné en plusieurs tendances de l’art contemporain (art singulier, cinétique, land-art…) qui s’ajoute à l’écriture, profonde, humoristique et prolixe.

Gorodka… un lieu, un homme, une histoire et, avant tout, un lieu de vie pour artistes en résidence et passagers intermittents venus ici, poussés par la curiosité et le grand large médiatique. Ici ou là, des parcours d’œuvres construites, « Folies Plastiques » et habitables dans l’espace ; éclairées la nuit dans l’étincelle d’une féerie de lumières ; des galeries fondues dans des chalets ressemblant à des isbas. Pour multiplier les mariages.

Des arbres à paroles, fixés à l’entrée, figent le ressenti. Car personne n’est indifférent à Gorodka et à son « anarchitecteur » : « Ce centre est tenu par des clodos, drogues, vin, femmes, bref un lieu qui se veut artistique pas fréquenté par les Sarladais… » ou « Que dire de plus : un monde de fascinations et de rêveries qui semble unique en son genre… »

Dans sa féconde solitude, Shasmoukine nous ouvre un autre versant du ciel car, derrière sa porte, éclatent des orages d’imaginaire où la folie ose s’exprimer avant de déborder de créativité provocatrice.

Des menaces pèsent pourtant sur Gorodka… purement administrative et urbanistique… car sans existence légale. Songerions-nous à détruire les œuvres du facteur Cheval, de la maison Picassiette ou du musée Robert Tatin ? Serons-nous les destructeurs de cette auto-construction surréaliste ? Serons-nous capable, après les Z.I., les Z.A.C. et les Z.U.P., de créer des « Zones d’intervention artistique de plein air » afin d’éviter que « la Planète Gorodka devienne un Artistique Mouroir ». Pour prolonger la quête inachevée… en dépit des vents contraires… pour défier la torpeur artistique et forger le destin. Parce qu’une simple graine peut fertiliser un désert. Parce que « les lauriers ne me suffisent pas, écrit Pierre Shasmoukine. Je n’ai pas fait 10% de ce que je pouvais faire. »

« Je peins parce que je fais et parce que c’est lyrique… et parce que c’est lyrique, vous pouvez dire : j’aime ou je n’aime pas… mais pas dire que je n’ai pas essayé de parler. Je peins malgré cette attente d’un soleil rouge vaguement poétique envahissant et que peut-être tout homme attend sans faire sans peindre. »

Pierre Shasmoukine

Département de la Dordogne. Gorodka. Sarlat.

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